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SYNOPSIS : Parcourant les abîmes, le chien des enfers Rainer raconte les six vies de Conann, perpétuellement mise à mort par son propre avenir, à travers les époques, les mythes et les âges. Depuis son enfance, esclave de Sanja et de sa horde barbare, jusqu’à son accession aux sommets de la cruauté aux portes de notre monde.
Avec son Conann, Bertrand Mandico joue la multiplicité en réinventant les contours d’un personnage rentré dans l’imaginaire collectif avec les traits d’Arnold Schwarzenneger dans le film de John Milius en 1982. Alors figure virile par excellence, le Barbare ne tenait pourtant pas réellement de son origine, tirée de la série de romans de Robert E. Howard commencée en 1932, ni même du Conann issu de la mythologie celte. C’est ce dernier que Mandico explore, réinventant un monde peuplé d’enfers, de démons et de morts en suspens sur fond de désir ardent de vengeance… Pour venir prendre la suite de ses précédentes œuvres, les salués Les Garçons Sauvages et After Blue (Paradis Sale), deux propositions esthétiques et narratives radicales, le réalisateur se nourrit de certains vestiges mythologiques et historiques, leur conférant une odeur putride de cauchemar en huis-clos, étouffant et austère, convoquant sa figure centrale dans un voyage vers les Enfers successifs. Conann suit les aventures surréalistes de son héros/héroïne éponyme, une guerrière hantée par le meurtre de sa mère, et constamment poursuivie par sa version future qui cherche continuellement à l’assassiner. Mort après mort, époque après époque, monde après monde, Conann erre, en compagnie de Rainer, un guide infernal à tête de chien, à travers sa barbarie et la barbarie humaine.

Par sa forme narrative qui défie les conventions, et par son approche esthétique colossalement expérimentale, Mandico saisit les prémices de son concept et le tourne dans un onirisme saisissant, imbibé de textures charnelles et métalliques, au sein des décors grandioses d’Anna Le Mouël. Imprimé par la photographie sous grain de Nicolas Eveilleau, secouée par la pellicule sèche et les compositions visuelles picturales, et continuellement habité par un travail impressionnant du son (découpant un air de malédiction au cœur de son récit), Conann se découvre comme un objet radical, aussi timbré et cynique qu’il est déterminé et premier degré dans sa chute progressive vers la folie. En découpant son héroïne en 6 parties qui se succèdent en s’assassinant à la chaîne dans un cercle vicieux de barbarie, Mandico puise dans sa propre imagerie, qu’il tire de la mythologie celtique, pour en convoquer autant de démons et de créatures monstrueuses au service de cet OFNI démesurément crasseux.

Sous le regard de Rainer, un démon humanoïde à tête de chien armé d’une caméra qu’il braque sur les scènes les plus sordides dans une valse malsaine et voyeuse, Conann se fait moins vaisseau d’une entreprise héroïque et épique que récit déstructuré et profondément dérangé qui campe aux racines de la violence humaine pour venir encore plus dessiner son propos sur l’époque contemporaine – notamment dans la partie finale, qui invite des artistes à ingurgiter une partie d’elle-même.

Au final, Conann est un objet extrêmement obscur, une expérience aussi austère qu’elle est profuse, bombardant ses idées scéniques avec une énergie unique dans l’objectif d’imprimer son univers morbide à souhait. Mandico souligne la force d’un cinéma rare et assumé, à la frontière des apparences et des genres, dans une quête guerrière pas forcément glorieuse. Les incarnations de Claire Duburcq/Christa Theret/Sandra Parfait/Agata Buzek/Nathalie Richard/Françoise Brion, et l’énergie obscure d’Elina Löwensohn achèvent de faire de Conann un long-métrage brut de décoffrage, dérangeant et abrasif, gore et symbolique, étrange et un brin misanthrope, qui perpétue sa violence génération après génération dans l’espoir d’un bonheur lointain, transperçant sa barbarie par des passages en couleurs et par une vision perturbante qui défie les lois établies malgré elle.

Titre original: CONANN
Réalisé par: Bertrand Mandico
Casting: Elina Löwensohn, Christa Théret, Julia Riedler …
Genre: Drame, Action
Sortie le: 29 Novembre 2023
Distribué par : UFO Distribution
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































