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MONARCH LEGACY OF MONSTERS (Critique Saison 1 Episodes 1×01 – 1×08) Une aventure haletante et habilement construite …

La franchise du MonsterVerse américain s’est déjà bien installée sur les écrans depuis la sortie en 2014 du premier volet de Godzilla réalisé par Gareth Edwards. Chapeautée par Legendary Pictures et la Tōhō japonaise, la licence s’est vue ces dernières années propulsée par son appétit de combats de Kaijūs, de lézards géants et de promesses d’action fulgurante – le dernier épisode en date mettait en scène le match du siècle en opposant le Roi des monstres Godzilla et le Titan dissident Kong. Pour cimenter leur univers partagé, qui prend désormais la tangente en s’étendant à la télévision, le MonsterVerse s’est doté d’une organisation secrète, une agence de cryptozoologie agissant dans l’ombre, étudiant les Titans pour pouvoir empêcher des catastrophes à échelle mondiale. Monarch, sujet principale de la série qui nous intéresse aujourd’hui et qui se pose sur AppleTV+, livrant son premier spin-off à grande ampleur, nous emmène alors à l’intérieur du monde de monstres, proposant à la fois de revenir sur ses origines et d’installer son avenir par une flopée de personnages inédits. Monarch suit Cate Randa, une jeune femme de San Francisco d’origine japonaise, traumatisée par le passage de Godzilla à travers le Golden Gate Bridge en 2014. Après la mort de son père, elle se rend à Tokyo, et découvre avec stupeur qu’il avait une autre famille sur place. Le fils, Kentaro, décontenancé par la nouvelle, décide d’accompagner sa nouvelle demi-sœur dans ses recherches, avant d’être rejoints par May, une hackeuse très douée pour déjouer les systèmes électroniques. Le trio tombe alors sur des informations confidentielles, estampillées du sceau de l’organisation secrète Monarch, et attirent vite l’attention… Cate, Kentaro et May partent alors chercher une aide inespérée chez un ami de longue date de leur famille, un ancien Colonel de l’armée américaine nommé Lee Shaw, lequel a, dans les années 50, pris part aux premières investigations visant à confirmer l’existence des Titans sur Terre…



Car Monarch déroule une narration temporelle double, alternant entre les séquences dans le présent et des flashbacks du passé recontextualisant le personnage de Shaw. La série trouve en lui l’un de ses atouts majeurs, se dégotant un évident duo de comédiens pour l’incarner à quasiment 70 ans d’écart – idée qui aura pour seul défaut d’être une colossale invraisemblance car la version âgée de Shaw serait censée, sur le papier, avoir plus de 90 ans… C’est donc le père et le fils Russell qui donnent vie au même personnage, Wyatt dans les flashbacks scientifiques et militaires, Kurt dans le présent menacé et en fuite. Cette duplicité familiale fonctionne à merveille dans le déroulé de cette première saison, leur donnant le champ libre pour jouer l’un en parallèle de l’autre, rendant l’immersion dans la série encore plus aisée, et donc plus prenante.


Dans le présent comme dans le passé, les points de vue sont alignés sur deux trios, qui dictent alors le rythme par deux intrigues parallèles. Dans les années 50, période post-bombardements atomiques et naissance canonique de Godzilla aux yeux du monde au large du Japon, le Colonel Lee Shaw est chargé de la sécurité de Keiko et Bill Randa, deux chercheurs en cryptozoologie. Dans le présent, Cate et Kentaro se retrouvent liés par un héritage familial immense, peuplé de monstres et de mensonges, et s’aventurent avec May et l’aide de l’ex-Colonel Shaw à la recherche de leur père – autant pour confirmer qu’il est encore vivant que pour lui poser toutes leurs questions sur son infidélité… Ce rythme haché et la multiplicité constante des décors qui font voyager les personnages partout à travers la planète – Japon, San Francisco, Alaska, le désert algérien et tant d’autres destinations – permettent à Monarch de tranquillement tisser son récit d’aventure posé sur ses humains, laissant les monstres surgir ponctuellement (comme un tampon pour confirmer régulièrement au spectateur que Godzilla est bien dans le coin) mais en faisant de ses héros à taille réduite les véritables visages du show, des deux côtés de l’organisation Monarch. En s’intéressant à ses mécanismes, à ses ambitions, à ses rouages et à ses opérations, à côté du récit de sa fondation mouvementée dans les années 50, la série permet de donner corps à l’agence secrète, et de poser durablement une perspective vue du sol sur les agissements autant erratiques qu’animaliers des Titans que la série nous présente. Monarch joue alors à un jeu dangereux, promettant à son spectateur son lot de monstres destructeurs dans son projet spin-off, et parvient étonnamment bien à être à la hauteur dans le traitement de ses effets visuels, bien que la série pèche régulièrement à cause de son tournage en studios. Les gigantesques monstres dans ces amples décors enneigés ou rocheux semblent visiblement avoir moins posé de problème à la production qu’une bonne paire de fonds verts assez mal exécutés, mais le travail de composition reste très convaincant dans l’ensemble, voire même souvent honorable dans des scènes d’action solidement construites.


Jouant le projet dérivé sur petit écran à son gigantesque MonsterVerse, Monarch s’avère être une aventure haletante et habilement construite, renouant avec les promesses de mystères et d’efficacité de son univers narratif, là où certains des précédents opus cinéma avaient rangé le mystère au placard pour laisser reines leurs créatures en CGI. Ici, les humains sont rois, même si l’intrigue du trio Keiko-Bill-Lee dans les années 50 capte bien plus l’attention dans les dynamiques entre humains que celle qui lie Cate, Kentaro et May – cernés par des dialogues plus artificiels qui manquent souvent de nuances. Le casting fournit une série équilibrée de performances, donnant à Anna Sawai, Ren Watabe, Kiersey Clemons, Mari Yamamoto et Anders Holm un terrain de jeu regorgeant de non-dits et de complots dans l’ombre, et toujours menacés par la potentialité imminente de l’attaque d’un Titan. Monarch remplit le contrat avec action, suspense, tension et gros monstres, au service d’une plongée progressive à l’intérieur de la lignée familiale Randa, laquelle pourrait très bien avoir une importance toute particulière dans la suite du MonsterVerse. On devrait d’ailleurs bientôt avoir droit à un rematch entre Godzilla et Kong, en espérant que cette fois-ci l’intérêt du projet parvienne à dépasser son concept et le nom de son affiche…

Crédits : Apple TV+

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