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SYNOPSIS : À la mort de sa mère, Mona Achache découvre des milliers de photos, de lettres et d’enregistrements, mais ces secrets enfouis résistent à l’énigme de sa disparition. Alors par la puissance du cinéma et la grâce de l’incarnation, elle décide de la ressusciter pour rejouer sa vie et la comprendre.
Avec son nouveau film, Mona Achache se livre aux défis de l’intimisme total, en contant une histoire familiale croisée, portrait des femmes qui ont entouré sa vie et qui l’ont élevée. Little Girl Blue prend ses racines dans le décès de sa mère, Carole Achache, en 2016, et des archives textes et images retrouvées chez elle. Mona assure à la caméra avoir besoin de comprendre ce qui a traumatisé sa ligne familiale, la source des douleurs, l’origine de tout. En tentant d’analyser la mère, la metteuse en scène retourne aux essentiels du cinéma documentaire, et fait même bien plus : elle la ressuscite. Convoquant Marion Cotillard dans ce studio recouvert d’articles de presse, de photos et de poèmes, Little Girl Blue mute en performance artistique totale, filmant dans un long plan la transformation de son actrice oscarisée, devenant accessoire après accessoire une mosaïque de souvenirs – allant jusqu’à son parfum. Par une série d’allers-retours, filmés au milieu des murs de ce décor aux multiples fonctions visuelles, le film, tantôt documentaire, tantôt reconstitution, tantôt fiction, s’efforce de garder son cap et de livrer son importante histoire, bien que la forme parasite malheureusement le fond à de nombreux instants.

Little Girl Blue trace alors la lignée de femmes qui présentent leurs fantômes au-dessus de Mona Achache. D’abord Carole Achache, la mère, puis Monique Lange, la grand-mère. Issue d’une famille d’autrice – ou du moins de passionnées par la littérature – proche de la sphère littéraire mondaine parisienne dans ses grandes années, la metteuse en scène prend alors soin de disséquer l’histoire de sa mère, jusque dans les mécanismes qui ont amené sa grand-mère à présenter sa fille à l’écrivain Jean Genet alors qu’elle était encore enfant. Mona Achache transmet par son dispositif très élaboré la nécessité de raconter cette histoire par le médium audiovisuel, jouant avec de nombreux effets de mise en scène et autres trouvailles dans sa photographie pour faire renaître certains souvenirs et tenter de percer les zones d’ombre dessinées par les documents laissés par sa mère. Dans ce parcours de « Fille De » (le nom du livre écrit par Carole Achache) où toutes les femmes de la famille tendent à se confondre dans la diégèse du récit, la réalisatrice fait mouvoir des ombres chinoises dans un jeu à la fois poétique et réparateur, trouvant son confort dans la mélancolie installée par le « bleu » du titre.

Mais en empilant les effets les uns sur les autres, en se confortant dans sa sphère familiale pour poser toute l’émotion et tous les enjeux de ses recherches, et en se mettant elle-même en scène à la recherche des secrets de sa mère, Mona Achache finit par faire tourner à vide son processus visuel, probablement trop intime pour véritablement investir son spectateur de sa mission émotionnelle. Il serait inconséquent de remettre en question le récit conté par les strates de sa mise en scène tant celle-ci reste témoin d’un temps pas si éloigné où les abus de pouvoir dans les milieux littéraires étaient légion (cf Le Consentement de Vanessa Springora, au cinéma depuis peu sous la caméra de Vanessa Filho, qui met en scène l’emprise de Gabriel Matzneff). Mais le processus filmique de Little Girl Blue, probablement trop pesant et trop chargé en souvenirs personnels, laisse souvent le spectateur en dehors de son expérimentation symbolique.

Pourtant, porté par la performance sensationnelle de Marion Cotillard qui s’efface complètement dans ce jeu de miroir, Little Girl Blue reste une œuvre consciemment notable, dans ses airs de plongée exorcisant à travers les traumas et les non-dits familiaux, rendus multi-dimensionnels et donc plus prompts à l’analyse depuis le mouvement MeToo en 2016. Mona Achache signe une fabrication multi-facettes et imbriquée qui se perd trop dans son concept et dans sa reconstitution pour véritablement embarquer émotionnellement. Ce Little Girl Blue, aux apparences de grande fresque familiale sur les plaies féminines et sur leur aspect héréditaire, convoque une énergie rare de cinéma, qui place sa caméra probablement trop près de ses fantômes pour pouvoir intégralement capter leurs nuances. Cette peinture freudienne griffonnée de bleu, d’ombres chinoises et de décors fragiles finit pesée par le poids de sa propre expérience, laissant la forme l’emporter sur le fond, emportant difficilement tous les bagages intimistes qu’elle aurait aimé porter en étendard.

Titre Original: LITTLE GIRL BLUE
Réalisé par : Mona Achache
Casting : Marion Cotillard, Marie Bunel, Marie-Christine Adam…
Genre: Drame
Sortie le : 15 Novembre 2023
Distribué par : Tandem
MOYEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































