Critiques Cinéma

HUNGER GAMES : LA BALLADE DU SERPENT ET DE L’OISEAU CHANTEUR (Critique)

SYNOPSIS : Le jeune Coriolanus est le dernier espoir de sa lignée, la famille Snow autrefois riche et fière est aujourd’hui tombée en disgrâce dans un Capitole d’après-guerre. À l’approche des 10ème HUNGER GAMES, il est assigné à contrecœur à être le mentor de Lucy Gray Baird, une tribut originaire du District 12, le plus pauvre et le plus méprisé de Panem. Le charme de Lucy Gray ayant captivé le public, Snow y voit l’opportunité de changer son destin, et va s’allier à elle pour faire pencher le sort en leur faveur. Luttant contre ses instincts, déchiré entre le bien et le mal, Snow se lance dans une course contre la montre pour survivre et découvrir s’il deviendra finalement un oiseau chanteur ou un serpent. 

Huit ans après la seconde partie de son troisième volet (et oui déjà, nous avons eu du mal à y croire en regardant la date de sortie), presque jour pour jour, Hunger Games est de retour sur les écrans de cinéma. Nul reboot ou remake de la part d’Hollywood mais l’adaptation du roman préquel La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur sorti en 2020. Sous forme littéraire nous n’avons pratiqué Hunger Games que sous le prisme de son premier tome, c’est donc presque uniquement par les films que nous connaissons la saga et ses gimmicks. Nous nous garderons donc bien ici de faire une quelconque comparaison entre les longs métrages et les romans dont ils sont tirés. Ce qui est sûr c’est qu’après un premier volet efficace et encourageant, un deuxième film impeccable dont la qualité dépassait toute espérance tout en se payant le luxe de faire un grand bond en avant par rapport au précédent (il s’agit selon nous du meilleur volet sorti à ce jour), Hunger Games s’était littéralement effondrée lors d’un calamiteux diptyque final (rappelez-vous de cette époque où la mode, lancée par Harry Potter, était de découper des volets finaux en deux, que cela soit justifié ou non narrativement). Un découpage sur lequel est récemment revenu le réalisateur Francis Lawrence (de retour pour le préquel), exprimant des regrets sincères à ce sujet. Une clairvoyance qui est tout à son honneur surtout lorsque l’on repense au désastre survenu après un Embrasement qui portait bien son nom tant il nous avait fait frétiller. La chute fut rude, nous amenant à tourner la page de la période Hunger Games avec un goût amer, sans vraiment prendre le temps de revisionner les opus appréciés, songeant à chaque fois que l’envie nous prend de le faire que le troisième opus est venu ensuite tout saboter (il faudra quand même que nous lisions un jour le livre pour vérifier si le problème ne venait que du film ou d’une histoire de base également aux fraises). C’est donc sans attente particulière que nous avons découvert La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur et sans vraiment savoir de quoi il retournait. Nous avions juste entendu qu’il se concentrerait sur la jeunesse de Snow, le grand méchant incarné par Donald Sutherland qui semblait se délecter des précédents massacres. Alors, le district de l’équipe du film a-t-elle cette année remporté les Hunger Games ?


En se penchant un peu sur l’équipe créative (ce que nous n’avions pas fait en amont) nous constatons d’emblée que de bonnes ondes se dégagent instantanément : il y a Michael Arndt à l’écriture. Pour qui connaît un peu le bonhomme nous pouvons dire que sa présence est systématiquement synonyme de qualité et de réjouissance. Au-delà du fait d’avoir participé à l’écriture de l’Embrasement (qui est et demeure, y compris après visionnage de ce préquel, le meilleur opus de toute la saga) on lui doit aussi d’avoir accouché de Little Miss Sunshine ou encore de Toy Story 3. Nul doute que s’il n’avait pas été amené à quitter Star Wars 7, ce dernier aurait finalement été un bon film et sûrement pas le banal remake déguisé qui nous a été livré à l’époque (et dire que depuis ils ont aussi laissé s’échapper Damon Lindelof…). Ajoutons à cela que Francis Lawrence, réalisateur vétéran, maîtrise parfaitement les codes des Hunger Games et il n’y a vraiment pas de quoi tressaillir, surtout que le monsieur a bien plus de potentiel qu’un David Yates en matière de mise en scène. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’effectivement tout ce petit monde a fait du bon travail.


Ce qui frappe d’emblée après le visionnage du film c’est à quel point l’histoire est maligne. Reprendre les Hunger Games sous un autre angle, comme avait déjà réussi à le faire l’Embrasement, sans faire dans la redondance ou la facilité est une chose à saluer. Bien sûr le mérite revient primairement à l’auteure des livres Suzanne Collins (rendons à César ce qui est à César) mais au vu de la densité du film, le travail d’adaptation n’a pas dû être chose aisée. A l’instar (il semblerait) du roman qu’il adapte, le film reprend une structure en trois parties (vous l’aurez compris nous ne parlons pas ici des trois actes d’écriture d’un scénario) qu’il spécifie nommément à l’écran : le mentor, le prix, et le pacificateur. Nous ne rentrerons bien évidemment pas dans le détail afin de ne pas gâcher la découverte. Disons juste que l’histoire est extrêmement riche et explore plusieurs types d’ambiances, des Hunger Games en coulisses ou dans l’arène jusqu’à un contexte qui nous ramène davantage à 1984 (comme ces fameux moments volés entre deux personnages au milieu de la nature). Cette structure en trois parties, chacune formant presque un mini-film à part entière, est extrêmement bien écrite, correctement rythmée et ne souffre d’aucun temps mort. Le film est savamment dosé de façon à ce qu’en sortant nous n’ayons ni une sensation d’overdose ni une sensation de trop peu (même si nous en convenons, la dernière partie pourra un poil dérouter dans la manière dont elle se détache des précédentes et « casse  » ou « délocalise » des choses qui avaient été établies durant les deux premières heures). Si nous devions résumer l’enjeu du film, au-delà du synopsis que nous ne vous ferons pas l’affront de rappeler une nouvelle fois ici, c’est qu’il s’agit d’un passage vers le côté obscur. Difficile de ne pas penser immédiatement à Star Wars III – La Revanche des Sith en regardant cet Hunger Games, Snow nous rappelant indéniablement le naufrage puis la chute d’Anakin. En se lançant dans le film sans trop s’en être préoccupé avant de venir on en avait presque oublié au début que le personnage plein de bonne volonté que l’on suivait allait devenir la fameuse crapule qui par la suite mènerait la vie dure à notre chère Katniss. Preuve que le film avait déjà largement réussi à humaniser le protagoniste et à le rendre attachant. Oui mais finalement lorsque cela a fait tilt dans nos têtes une crainte est alors survenue : ce basculement du côté obscur allait-il être aussi maladroit que celui d’Anakin ou pire que celui de Daenerys ? Non. Fort heureusement non, cela fonctionne. Cette prouesse relève à la fois du jeu de l’acteur principal mais aussi de la subtilité de l’écriture. Il faudrait revoir le film pour réanalyser après coup pourquoi ce personnage extrêmement attachant qui souhaite transcender sa condition sociale finit par écraser (ou reformuler, c’est selon, confer la fin du film) crédiblement l’apparente moralité qu’il défendait pourtant. Sûrement parce que par petites touches on sent progressivement ce qui se cache au fond de lui et que son basculement se fait plus intelligemment que pour d’autres méchants, iconiques ou non. Peut-être est-ce aussi parce que nous avons été biberonnés ou avons essuyé les plâtres avec d’autres transitions ratées…en tout cas l’important ici c’est que nous y croyions et que nous nous sentions impliqués.



N’oublions tout de même pas d’évoquer les Hunger Games, et ce pour deux raisons. Parce qu’il s’agit du titre du film, ce qui est déjà un bon argument, mais aussi parce que leur exploitation est l’une des facettes qui démontre à quel point l’histoire est intelligente. Ici nous sommes du point de vue de Snow, jeune homme au fort potentiel de beauté et d’intelligence (intellectuelle et émotionnelle) qui se retrouve victime des règles du Capitole. Alors qu’il misait après un travail acharné sur une récompense qui couronnerait enfin ses longs efforts et lui permettrait de changer sa vie précaire, voilà que le Capitole fait volte-face : pour mériter la fameuse récompense initialement promise, cette année il y aura une dernière épreuve et c’est celui ou celle qui la remportera qui verra son avenir assuré. Snow, au même titre que d’autres jeunes gens du Capitole se voit donc désigné mentor d’une tribut originaire du District 12, Lucy Gray Baird. Snow le comprend très vite, s’il souhaite gagner la récompense il faut que Lucy remporte les Hunger Games. Leurs victoires respectives dépendent donc l’une de l’autre. Pour gagner les jeux il faut que Lucy Gray se démarque dans l’arène afin d’obtenir des dons qui permettront ensuite à Snow de lui envoyer des vivres via des drones directement au milieu des combats. Le spectacle peut alors commencer.


Ce spectacle il se joue bien sûr énormément en dehors de l’arène, devant les caméras, comme dans les opus précédents. Ici tout est représentation, manipulation et divertissement calculé et instrumentalisé. Par chance Lucy Gray a un talent, elle sait chanter (c’est d’ailleurs via le chant que l’actrice a commencé sa carrière d’artiste). Les scènes de chant sont sûrement les passages qui nous ont le plus crispé. Tout débute lorsque Lucy Gray est choisie durant la moisson et se retrouve à faire une sorte de show musical improvisé devant tout le monde : un moment que nous avons trouvé tout à fait gênant et inconfortable à regarder. D’ailleurs en fermant les yeux et indépendamment des paroles dont nous ne nous rappelons pas le contenu, et du fait que Rachel Zegler en fait des tonnes (mais en même temps que faire de bien avec une telle chanson et une telle direction ?) nous avions la sensation d’entendre une chanson extraite d’un dessin animé Disney. D’autres scènes de chants viendront ponctuer le film : celles où Lucy Gray pousse la chansonnette pour l’aspect mercantile et marketing de son image durant les jeux et celles chantées par plaisir dans d’autres contextes que nous ne dévoilerons pas. Gageons que le style choisi et le rendu final nous ont laissé de marbre peu importe le contexte où les chansons étaient interprétées. Il s’agit de l’un des rares échecs du film même si la chanson phare fera sûrement son chemin auprès de certaines oreilles (mais pas auprès des nôtres).



Difficile enfin pour célébrer la réussite de cet Hunger Games de ne pas dire quelques mots sur le casting, globalement de haute volée. Tom Blyth crève l’écran, oscillant sans cesse entre un visage angélique bourré d’empathie et celui d’un masque qui cache plus ou moins bien un potentiel certain pour la noirceur. Son charisme naturel et sa prestation lui vaudront sûrement (nous l’espérons pour lui) de voir sa carrière décoller dans les prochaines années. Rachel Zegler quant à elle est la bonne découverte du film. Sans peut-être atteindre le potentiel d’un Tom Blyth elle étonne par sa présence électrisante et sa facilité à nous faire là aussi nous attacher à son personnage. Nous avons beaucoup moins aimé ce qu’elle fait dans les scènes musicales mais vous l’aurez déjà compris. Déjà annoncée à l’affiche du prochain Blanche-Neige, son avenir à moyen terme semble pour le moins radieux (d’un certain point de vue, entendons-nous). Hunger Games ne serait toutefois rien sans sa ribambelle de personnages secondaires tous plus loufoques les uns que les autres et c’est aussi pour ça que ce préquel nous ramène en terrain connu : le Capitole a toujours été bizarre et excentrique, même en remontant plusieurs années dans le passé. Qu’il s’agisse du présentateur et apprenti magicien joué par Jason Schwartzman (très drôle et finement interprété, la moindre mimique faisant mouche), du sombre Casca (ni plus ni moins que l’inventeur des Hunger Games) incarné par notre imposant Peter Dinklage ou encore du Dr. Volumnia Gaul qui prend vie sous les traits de la très grande (et possédée) Viola Davis (son personnage apporte vraiment quelque chose de fort au film, y compris dans la descente aux enfers de Snow), la galerie de personnages ne serait sûrement pas aussi étincelante sans ce casting qui l’interprète.


Hunger Games : La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur est donc une réussite assez inattendue. Porté par une réalisation efficace qui fonctionne aussi bien dans l’action (malgré quelques moments un peu étranges comme la scène des nombreuses explosions qui ont lieu lors d’un attentat) que lors des moments de calme plus intimistes, et par un scénario aussi dense que malin, ces fondations se trouvent renforcées par le biais d’un casting finement trié sur le volet. Si l’aspect musical nous a parfois dérouté il ne gâche fort heureusement pas ce superbe spectacle, prétexte à la narration du passage vers le côté obscur de notre bon vieux Snow et critique au vitriol du monde du divertissement, domaine dans lequel Hunger Games excellait déjà par le passé. Après l’échec qualitatif du troisième volet, qu’il est agréable de ressortir de la salle en se disant que l’Embrasement aura enfin un nouveau compagnon à ses côtés sur l’étagère et aussi que nous avons hâte que ce préquel sorte officiellement en salles afin de pouvoir retourner le voir en toute quiétude.

Titre original: THE HUNGER GAMES : THE BALLAD OF SONGBIRDS AND SNAKES

Réalisé par: Francis Lawrence

Casting: Tom Blyth, Rachel Zegler, Peter Dinklage …

Genre: Science Fiction, Action, Aventure

Sortie le: 15 novembre 2023

Distribué par : Metropolitan FilmExport

EXCELLENT

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