Critiques Cinéma

GUEULES NOIRES (Critique)

SYNOPSIS : 1956, dans le nord de la France. Une bande de mineurs de fond se voit obligée de conduire un professeur faire des prélèvements à mille mètres sous terre. Après un éboulement qui les empêche de remonter, ils découvrent une crypte d’un autre temps, et réveillent sans le savoir quelque chose qui aurait dû rester endormi… 

Troisième aventure de genre pour Mathieu Turi après le survival zombiesque Hostile et le piégeux huis-clos Méandre, Gueules Noires assoit ses racines françaises dès ses prémices. Prenant comme contexte le bassin minier du Nord-Pas-De-Calais dans les années 50, faisant de ces mineurs aux visages noircis par le charbon et la poussière les protagonistes d’une nouvelle rencontre surnaturelle, le film se donne des airs d’exploration horrifique alléchante, et propose de tirer son spectateur vers les profondeurs d’une intrigue sombre qui diffuse pourtant une lumière très intriguante en son cœur. Gueules Noires suit la plongée de l’équipe de Roland (solide Samuel Le Bihan), accompagnant le professeur Berthier (Jean-Hugues Anglade) à la recherche d’une mystérieuse relique perdue. Alors que la tension monte et que les mineurs se retrouvent enfermés sans espoir de sortie, un sarcophage est malencontreusement ouvert et libère quelque chose qui aurait dû rester enfermé… Car Mathieu Turi, dans la lignée de ses deux précédents films qui marquaient par leurs aspérités premier degré – dont les propositions étaient autant synonymes de fraîcheur que de limites un brin too much et un poil tarabiscotées – raccroche les ambitions de son film aux classiques du survival horrifique, guidant ses héros ordinaires à travers une quête aux ambitions mythologiques entre les murs rocailleux des galeries traversées par la caméra d’Alain Duplantier.

Si l’écriture de son scénario tend à s’épancher dans la facilité – ses résolutions témoignent de nombreux manquements narratifs, notamment dans la façon dont les écrits sont si rapidement déchiffrés – et si une flopée de répliques flirtent avec une détermination premier degré un peu risible, Gueules Noires achève de convaincre par son appétit visuel et la tenue de son univers de science-fiction, par l’aspect réaliste de son imagerie gore et du design de cet antagoniste « marionnette ». L’ensemble du film, pour peu qu’on se laisse aller à ses mécaniques horrifiques peu subtiles, à de nombreux refus d’hors-champ ou à une rafale de raccourcis narratifs, séduit totalement dans son approche façon Indiana Jones de l’histoire des mineurs du Nord.

On se focalise effectivement sur l’univers et le quotidien des gueules noires dans l’après-Seconde Guerre Mondiale, plaçant également un contexte d’immigration au centre de son équipe (le personnage central, derrière Samuel Le Bihan, est un jeune marocain incarné par Amir Al Kacem qui tente de s’intégrer malgré la xénophobie de certains). L’ensemble hétéroclite que forme cette équipe, potentiel de chair à canon qui file le long-métrage vers le slasher oppressif façon The Descent, aurait aisément pu être développé plus solidement dans son scénario. Mais les archétypes incarnés par Thomas Solivérès, Diego Martín, Marc Riso et Bruno Sanches trouvent dans leurs interprètes des performances haletantes, accompagnant la descente aux enfers morbides et claustrophobiques dans laquelle ils s’aventurent progressivement. Le travail du cadre, des décors et de la lumière s’avère hautement efficace, à la fois source de frissons et de mystères, poussant ce Gueules Noires vers l’ambition mythologique à laquelle il se raccroche. Car Mathieu Turi se sert de son contexte comme d’un prétexte pour toucher du doigt les œuvres de Lovecraft, dans ses prémices mythiques tentaculaires comme dans l’origine nébuleuse de sa malédiction.


Gueules Noires restera limité dans ses imperfections narratives et dans la dévotion sans failles qu’il prête à son concept, mais conquiert par le sentiment d’authenticité qui s’en dégage du début à la fin. En optant pour les effets plateaux, pour les maquillages sanguinolents et pour les marionnettes monstrueuses qui le ponctuent de part en part, Mathieu Turi évoque les fondements du cinéma de SF, ramenant une notion d’artisanat dans sa petite grosse machine débridée, faisant naître l’angoisse par un traitement corrosif et déroutant de son mixage son, comme dans sa photographie contrastée à l’extrême à l’épreuve du potentiel ridicule de ses prémices. Cette plongée au cœur des ténèbres achève de ravir les amateurs du genre, en faisant souffler un vent de fraîcheur qu’on ne daignera pas refuser pour d’évidentes raisons.

Titre original: GUEULES NOIRES

Réalisé par: Mathieu Turi

Casting: Samuel Le Bihan, Amir El Kacem, Jean-Hugues Anglade …

Genre: Aventure, Fantastique

Sortie le: 15 Novembre 2023

Distribué par : Alba Films

TRÈS BIEN

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