Critiques Cinéma

LA PASSION DE DODIN BOUFFANT (Critique)

SYNOPSIS : Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. Au fil du temps, de la pratique de la gastronomie et de l’admiration réciproque est née une relation amoureuse. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle. 

Après quelques commentées péripéties derrière les rideaux, c’est finalement La Passion de Dodin Bouffant, septième long-métrage du réalisateur franco-vietnamien Trần Anh Hùng, qui sera l’étendard bleu blanc rouge dans la course aux prochains Oscars – là où beaucoup s’imaginaient aisément l’Anatomie d’une Chute de Justine Triet décoller vers les Etats-Unis. Sept ans après son dernier film, Eternité, le metteur en scène repose ses caméras en France en adaptant le roman La Vie et la Passion de Dodin-Bouffant Gourmet de l’écrivain suisse Marcel Rouff. Le long-métrage raconte la relation tissée entre le gastronome renommé Dodin et sa fidèle cuisinière Eugénie. Malgré les répétitives propositions de Dodin, Eugénie n’a jamais accepté de s’unir à lui, malgré leur attachement profond au cœur de cette cuisine qui voit passer tous les jours des confections culinaires toujours plus appétissantes. Alors qu’ils apprennent la visite imminente d’un invité prestigieux et qu’Eugénie s’avère souffrante et alitée, Dodin décide d’entamer la préparation d’un Pot-au-feu… La Passion de Dodin Bouffant se fait alors véritable vecteur de passion dans sa représentation méticuleusement proéminente de l’art gastronomique, l’écrivant au cœur de son scénario comme le langage d’amour qui se compose entre les deux personnages centraux. En s’évertuant dans la délicatesse d’une mise en scène ample, flottant au cœur de cette cuisine baignée de lumière naturelle avec les saveurs, les fumées et les embruns olfactifs qui s’échappent des marmites, fours et casseroles, Trần Anh Hùng travaille au corps l’art de la cuisine, relevant à la fois la beauté formelle des plats et les interactions que leurs confections créent au sein de cette maison bourgeoise. Les personnages de Dodin et Eugénie naissent dans cette idée, chacun véhiculant une série de valeurs différentes, liés par leur amour de la très bonne bouffe mais séparés par une histoire d’amour pleine de tribulations.


Le film, s’il est exemplaire de justesse et de propreté technique, pèse quelques contrecoups de son ambition dans son écriture, traitant le milieu bourgeois avec une rugosité qui heurte parfois les émanations sentimentales de son récit. Ses dialogues sonnent souvent littéraux et sans fioritures, conférant un aspect très verbeux à l’ensemble de son œuvre. Son apparente circonvolution, due à un découpage narratif qui cache régulièrement ses thèmes centraux pour ne pas les garder tout le temps en son centre, nous pose alors les principales réserves de cette peinture culinaire particulièrement goûteuse, qui en met plein les yeux et les papilles en dessinant sa romance maudite par la passion.


L’équipe du long-métrage a effectivement fait appel au chef Pierre Gagnaire pour composer les innombrables plats que l’on voit défiler à l’écran, profitant également de son contexte temporel pour représenter en action les réflexes, mécanismes et ustensiles utilisés dans les cuisines du XIXe siècle. Soulevé par la sublime photographie de Jonathan Riquebourg, traitant avec un œil pictural à souhait les nuances de couleurs de ses décors (certains plans rappellent presque des tableaux de Monet), l’imagerie dégagée par Trần Anh Hùng ramène le naturalisme de sa mise en scène à l’essentiel, s’attardant sur la place des sons du quotidien et des silences révélateurs dans ses moments centraux.

Avec les performances très soignées de Benoît Magimel et Juliette Binoche qui font naître les parfums de leurs personnages avec une grande délicatesse, La Passion de Dodin Bouffant est une œuvre saisissante qui perd malheureusement un peu de sa saveur sur la longueur à cause de son trop grand appétit qui déborde parfois sur son sujet. La peinture de Trần Anh Hùng, certes un peu trop chargée de sa passion verbeuse, achève in fine de toucher au cœur par son envie de méticulosité contagieuse, trouvant au sein de sa cuisine la réponse aux énigmes de l’amour.

Titre original: LA PASSION DE DODIN BOUFFANT

Réalisé par: Trần Anh Hùng

Casting: Juliette Binoche, Benoît Magimel, Emmanuel Salinger …

Genre:  Drame, Historique, Romance

Sortie le: 08 Novembre 2023

Distribué par : Gaumont Distribution

TRÈS BIEN

Laisser un commentaire