Critiques Cinéma

L’ARMÉE DES 12 SINGES (Critique)

SYNOPSIS : Nous sommes en l’an 2035. Les quelques milliers d’habitants qui restent sur notre planète sont contraints de vivre sous terre. La surface du globe est devenue inhabitable à la suite d’un virus ayant décimé 99% de la population. Les survivants mettent tous leurs espoirs dans un voyage à travers le temps pour découvrir les causes de la catastrophe et la prévenir. C’est James Cole, hanté depuis des années par une image incompréhensible, qui est désigné pour cette mission.

« Croyez en vos rêves, mais si ça ne marche pas, prenez du LSD « . A l’aune de cette sortie extravagante du trublion réalisateur Terry Gilliam, on serait tenté de comprendre d’autant plus le génie d’un cinéaste, ses dingueries perpétuelles, qui disent beaucoup de l’inventivité folle qui émane de L’Armée des 12 singes. Allégrement pince sans rire, et c’est un euphémisme, l’ancien Monty Python cite régulièrement à qui veut l’entendre son mantra de Mary Poppins, qui est selon lui la clé du succès : « Avec un peu de sucre, on fait passer les médicaments ». Cette métaphore sied parfaitement au bonhomme, qui laisse parler sa créativité avec une férocité sans filtres. Pour L’Armée des 12 singes, le projet initial a germé dans l’esprit du producteur exécutif Robert Kosberg, un grand admirateur du court métrage expérimental La Jetée (1962) du réalisateur français Chris Marker, pourtant quasi inconnu à l’époque outre-Atlantique. Il a persuadé Universal d’en acheter les droits pour en faire un remake. Le titre L’armée des 12 singes est inspiré du roman de Frank Baulm, Le magicien d’Oz, dans lequel le roi convainc douze singes de devenir ses soldats.

Une phrase de Gilliam résume à merveille l’état d’esprit qui prédomine à son film : « Cela me fascinait par avance de tourner à Philadelphie parce qu’il se dégage de son architecture un incroyable parfum de décadence et de pourriture. Or j’ai tout de suite ressenti L’Armée des 12 singes comme un film sur l’échec, la décomposition, la nostalgie« . Cette ambiance de rouille, parfois sale et glauque donne une couleur à L’armée des 12 singes, une vision unique et glaçante du monde selon le cinéaste et qui fait de ce long métrage un OVNI passionnant.

C’est aussi et surtout de la pure science-fiction d’anticipation. On le disait déjà dès sa sortie, et au regard de notre actualité brulante, cette assertion se vérifie malheureusement. Mais au rayon cinématographique, ce qui est fascinant dans ce fourmillement permanent qu’est L’armée des 12 singes est le foisonnement perceptible à chaque plan et arrière-plan. Ici, un autoportrait de Rembrandt, plus loin une banque dévastée, un grand magasin en ruines et tout le temps des attaques bien senties sur le modèle consumériste. « Si tu n’achètes pas. Tu es un malade mental  » affirme Jeffrey, le personnage joué par Brad Pitt. Des symboles omniprésents, parfois cachés, parfois en surimpression, parfois évidents, et une œuvre au finale constamment foutraque et chaotique. L’armée des 12 singes, C’est la folie de l’image !! Car en une image, le cinéaste fait passer des messages complètement dingues sur l’état du monde. C’est épuisant de créativité. Face à ce long métrage, il faut avoir l’œil partout et tout le temps. C’est ici que le cinéma de Gilliam est passionnant, il ne prend pas le spectateur pour un idiot. Car si le pitch initial est d’un convenu absolu, sur l’homme qui voyage dans le temps pour sauver le monde, il en en fait un conte dystopique, délirant et fantasmagorique, à rebours des niaiseries hollywoodiennes du genre, mais malheureusement assez prémonitoire dans l’aspect totalitaire du monde imaginé par le réalisateur. Selon Terry Gilliam, « c’est une étude de la folie et des rêves, de la mort et de la renaissance, qui se déroule dans un monde qui se désagrège. »


Après, ça reste le cerveau de Terry Gilliam !! Ce qui fait que parfois, la multiplicité des allers retours spatio-temporels de James Cole, armé de sa putative paranoïa nous perd par moment totalement, dans des tiroirs constants qu’il est souvent difficile à forcer !! Mais peu importe, car L’Armée des 12 singes est ce fantasque film d’atmosphère qui par le grain jaunâtre pisseux de son image, la folie des trouvailles sur les décors et son rythme délirant nous assigne à résidence sur notre siège !!  Comme pour Brazil, du même réalisateur, sur les écrans une décennie auparavant la science n’est pas la conscience. Gilliam et son anti-héros James Cole, doutaient déjà légitimement en 1995 des avancées scientifiques qui à l’image de cette attaque politique en règle contre la surconsommation, est surtout un regard acerbe sur l’utilisation du progrès par l’homme qui sans forcer sa nature, ne génère rien d’autre qu’une régression permanente. Pour le casting, Gilliam avait demandé à ses iconiques divas Bruce Willis et Brad Pitt de réduire considérablement leurs cachets et avaient prédit qu’ils joueraient ici comme jamais ils ne l’avaient fait auparavant. Encore une prémonition juste du génie Terry, tant Bruce Willis ici est l’antithèse de ce qui a longtemps façonné sa carrière. Ici, il joue au fou, il doute et il prend super cher. Il est tout aussi magistral à ce petit jeu-là que dans son registre habituel. Il déploie ici une vraie complexité que son réalisateur avait déjà repéré dans Piège de cristal (1988). Une interprétation tout en intériorisation de Willis, qui est ici fascinante.  Brad Pitt dans le rôle de Jeffrey nous régale également de sa folie totale et de son militantisme de midinette. On se marre et on aime le voir ainsi. Madeleine Stowe dans le rôle de la psychiatre Railly dans le renversement de sa peur, puis du scepticisme et enfin de la croyance en Cole, est de celle que l’on voudrait voir entrer dans la mairie en blanc à nos côtés !!  Prolifération nucléaire, démographie galopante, pollution des sols, des mers et de l’air, viol de l’environnement, n’est-ce pas celui qui crie au loup qui est sain d’esprit ? Et la devise de l’homo sapiens : « allons faire du shopping« . N’est-elle pas le cri du vrai fou ? Tout est dit, et nous, on ajoute merci Terry pour ce cinéma total !!!

Titre original: TWELVE MONKEYS

Réalisé par:  Terry Gilliam

Casting: Bruce Willis, Madeleine Stowe, Brad Pitt, …

Genre: Drame, Science-Fiction, Thriller

Sortie le: 28 Février 1996

Ressortie le : 8 Novembre 2023

Distribué par : L’Atelier Distribution

EXCELLENT

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