VOLEUSES (Critique)

Par JM Aubert le novembre 1, 2023 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : Carole et Alex sont deux voleuses de génie, et meilleures amies depuis toujours. Sous la coupe de Marraine depuis des années, elles rêvent d’être libres. Avec l’aide de Sam, une championne de moto, elles se lancent dans une ultime aventure pour s’affranchir de cette vie de cavale.

Le bal des folles (2021) de Mélanie Laurent, sorti sur Amazon Prime racontait l’histoire de femmes libres qui dérangeaient la société et qu’on enfermait. Voleuses qui sort lui sur Netflix, est presque une forme de suite selon sa même réalisatrice et qui se demande finalement « ce que serait devenues les femmes du bal des folles 100 après et la réponse serait un peu dans Voleuses « … Elle présente son film comme une comédie d’action, mais qui parle surtout du quotidien de deux femmes qui vivent ensemble et dont on perçoit en 2023 les petits tracas du quotidien. Action, humour et contemporanéité sont donc le pari de départ de la cinéaste. Loin d’elle l’envie de vouloir faire un film de genre, elle a préféré les mélanger, face notamment à cette rareté du film français d’action féminin. Le pari est pleinement tenu. Voleuses est complètement virevoltant, on se marre sans arrêt : c’est pop, la bande son est folle et endiablée ; c’est moderne, autant techniquement que dans les résonances émotionnelles et affectives qui se jouent chez chacune d’entre elles ; c’est en permanence surprenant tant la mise en scène est inventive, flashy, souvent hilarante autant qu’impressionnante dans ses effets. Autant le dire sans surprises ni détours, celle qui avoue « avoir une relation folle avec Tarantino « depuis bien sûr Inglorious Bastards (2009), joue de cette influence avec une évidente virtuosité.

Les premières minutes de Voleuses sont complètement fun et bien bien décalées, sans être non plus outrancières dans l’absurde. Le ton est donné. Les cambrioleuses ne sont pas trop gentlewomens et ce n’est pas ce qu’on attend d’elles de toute façon. Elle se situent plutôt dans un savoureux mix de brutasserie et de féminisme assez jubilatoire. Alex risque sa vie sans sourciller, elle dégomme des drones avec trois guns différents, pilote le quad avec art… Mais ne pense qu’à sa dernière Love Story d’un mec… pourtant virtuel… Elle est archi chaud au guidon et au flingue mais artichaut dans son cœur… Une fois leur quad explosé, elles dissertent comme des New-Yorkaises dépressives. Alex est davantage dégoutée d’avoir oublié ses clopes dans le quad que par la destruction de celui-ci. Elles fantasment sur un bon kebab sauce Samouraï et des cookies pépites chocolat blanc, tout en fendant les airs avec des sortes de matelas gonflables volants !!! Le film est fou et ça ne va jamais s’arrêter !!!

Sans trop déflorer, quelques moments de grâce cinéphilique avec entre autres cette mortelle chorégraphie des deux sur Si j’étais un homme de Diane Tell, autant sensuelles qu’à la limite du ridicule dans une belle tranche d’auto-dérision. Alex qui suce son pouce en dormant et nous contamine sa trouille qu’avec leur mode de vie sous les balles, il arrive de l’irrémédiable à Santos son petit lapin. Avec Voleuses, le truc, c’est qu’on se marre entre chaque scène d’action, qui elles-mêmes sont méga spectaculaires. Les actrices s’en donnent à cœur joie avec des répliques qui font mouche à chaque fois. Des répliques, mais aussi des balles qui sifflent et pètent de partout, et nous on s’attache grave et totalement à elles, surtout quand elles risquent leurs vies. Alex et Carole nous amènent avec elles sans aucune retenue. « Je m’ennuie en fait. Faut que je tombe amoureuse ou que je fasse l’amour « dit Alex. Celle qui ne sait pas s’aimer et ne se réanime qu’à travers l’autre, c’est aussi tout ça Voleuses, l’air de rien une petite variation sur la difficulté de vivre pour soi et cet impossible à s’intégrer dans une aseptisation de chaque instant pour des esprits trop libres. Mais toute la magie d’Alex, c’est aussi quand elle sort son snipe pour venger Santos son petit lapin, qui finalement aura pris cher… Avec un gun de ouf, l’ongle bleu saphir, elle allume sa clope, elle est classe comme jamais, la chorégraphie de cette scène est folle et finit dans une grosse vanne qui ne se prend pas au sérieux, mais petit bain de sang pour autant, Santos est vengé… On est chez Mélanie Tarantino !!

Alex et Carole vont intégrer une autre amazone à leur inséparable duo, et si elles flinguent à tout va et n’ont peur de rien, elles délirent aussi sur des « trucs de filles » qui nous éclatent tant elles poussent à fond leur névrose. Voleuses, c’est diablement sensible, toujours malin dans le sens jamais dupe des stéréotypes et franchement, qu’est-ce qu’on se marre… La musique de fin dont on ne dira rien, nous fera penser à un autre film que l’on connaît bien et cette rencontre pourrait se résumer par « Le cœur des femmes » !! Le casting est à l’image du film, complètement dingue. D’abord, mais vraiment en premier lieu, Adèle Exarchopoulos, qui sait définitivement tout faire dans tout ce qu’elle montre partout où elle est en ce moment !! Nous bouleverser autant que nous faire exploser de rire, tout en oubliant l’actrice… Du talent pur… Pour elle, Voleuses, ça sera aussi un nez cassé pendant les répétitions. Celle pour qui Mélanie Laurent a écrit le film, au sol, le nez en sang, aura comme premiers mots le souci de savoir si la scène a été bien filmée !! Alors qu’au même moment, l’excellent Felix Moati, également présent au casting, s’est évanoui !!! Un moment qui saurait résumer l’énergie de ce film sur la puissance féminine !!! Mélanie Laurent qui joue le rôle de Carole dans son film, avait quand elle était petite comme héroïne Peau d’âne (1970), et maintenant c’est Uma Thurman dans Kill Bill (2003) !! Elle est celle qui essaye de tempérer et rationaliser Alex, juste car elle est un peu moins folle en réalité que sa binôme. Leur complicité est totale, leurs fous-rires sont réels, le duo est fabuleux !! Isabelle Adjani dans le rôle de Marraine, la cheffe, est toujours aussi éclatante dans ses rôles de diva exubérante et excentrique comme elle se plaît à jouer en ce moment pour notre plus grand plaisir. A l’autre extrémité la novice, Manon Bresch qui joue Sam offre une belle performance face à ses deux aînées si inspirées, tout comme Felix Moati que l’on adore retrouver tant son naturel est un régal. Et la mention à Philippe Katerine… Il se pointe et vient comme parachever le sens de la potacherie omniprésent dans le film. Cette écriture décalée lui sied évidement en mode jouissif et lui permet d’exprimer la forme de quintessence de son art foisonnant et foutraque. Voleuses, c’est du très très bon, avec par moment quelques mignonneries, mais jamais guimauves et pour un ensemble plus que très divertissant, qui réussit complètement son croisement des genres, dans une énergie totale que l’on redemande encore et encore…