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SYNOPSIS : Albert et Bruno sont surendettés et en bout de course, c’est dans le chemin associatif qu’ils empruntent ensemble qu’ils croisent des jeunes militants écolos. Plus attirés par la bière et les chips gratuites que par leurs arguments, ils vont peu à peu intégrer le mouvement sans conviction…
Une année difficile s’inscrit pleinement dans l’énergie si unique et puissante des transmetteurs de bonne humeur en chef incarnée par leur auteurs Eric Toledano et Olivier Nakache. C’est un véritable condensé d’humanité et de générosité. Un atypisme majoré par cette fois-ci le décryptage très actuel des systèmes de radicalité dans la contestation. Il est par ailleurs à souligner que tous les figurant-e-s qui jouent les activistes font partie d’Extinction rébellion. Sur un sujet aussi sensible, les rois du feel good movie à la française arrivent pleinement à nous attendrir et nous grandir dans la même minute. Ils ne sont jamais dépassés par leur sujet, tant ils parviennent par leur souci constant de justesse et d’authenticité à contourner les stéréotypes en s’amusant avec eux. Le méticuleux et artistique souci immersif est total, comme dans toutes leurs créations précédentes, qu’il s’agisse de Nos jours heureux (2006), en passant évidemment par Intouchables (2011), Samba (2014), Le sens de la fête (2017) ou Hors normes (2019). Dans Une année difficile, la magie empathique opère sur le même mode jouissif qui nous fait arborer pendant deux heures un large sourire face au grand écran. Les réalisateurs expliquent cette potion magique par leur complémentarité, car à chaque fois l’un va aller plus loin que l’autre dans le déploiement du récit. De grands joueurs tous les deux !! Si les films ressemblent à leurs auteurs, alors on aimerait tellement être leurs meilleurs amis à Eric et Olivier.

On y retrouve également un marqueur important des cinéastes sur leur amour de la chorale, du collectif, pour se sortir d’inextricables situations. C’était le cas de tous ceux cités précédemment et plus particulièrement de Tellement proches (2008). Dans Une année difficile on hume quand on pas le droit de dire qu’on aime. Le film épouse la pensée et souvent l’absence de celle-ci de deux paumés, autant gredins et chenapans, qui vont évidemment devenir pleinement attachiants. Avec eux, c’est alors le déploiement du tendre burlesque, de la farce et du désenchantement, fidèle aux influences de la comédie italienne, façon Ettore Scola, si chères au duo de réalisateurs. Dans Une année difficile, on passe notre temps avec Albert et Bruno, deux immoraux en somme, mais on ne sombre jamais dans la caricature gratuite. Tout est dosé et millimétré. C’est plutôt une mise à nu de la complexité dans ce que sont les propres caricatures de nous-mêmes. Ainsi, ni eux, ni les militants d’Extinction rébellion ne sont ici réellement moqués. Simplement chacun-e- fait bien comme il peut. Pas de héros, que des humains et donc des failles. C’est la cause et le militantisme qui sont légitimement sanctuarisés, pas forcément ceux qui les poussent et c’est très bien ainsi. On rit beaucoup dans Une année difficile, mais finalement on rit de nous-mêmes, de nos propres problèmes mais jamais avec culpabilisation ou cynisme. Il n’empêche qu’une scène édifiante autour du Black Friday vient parler de notre rapport compulsif à la surconsommation. Un moment tout sauf fictionnel quand on se remémore la baston pour les promos sur le Nutella ou certains comportements grégaires et bestiaux en temps de COVID dans notre curieux rapport au papier toilettes !! Le film ne joue pas pour autant la carte moralisatrice ou dogmatique car il s’amuse de tout et de tout le monde avec une tendresse caractérisée. C’est toute l’intelligence d’une œuvre qui rassemble plutôt que de diviser. Fin du monde contre fin du mois, oui c’est plus facile de plaider de grandes théories dans un luxueux appart « désencombré » que quand on ne sait pas ce qu’on va manger le lendemain, mais c’est bien l’évidente urgence et noblesse de la cause qui va réunir et venir sublimer chaucun-e-.

Sans aucun spoil, la très poétique scène de fin viendra simplement nous rappeler que le retour à l’humain qui a prédominé en temps de confinement s’est vite évaporé. Nous savions que nous oublierons et nous avons donc oublié. La photographie, les décors, la bande son et évidemment le récit ne sont que justesse dans Une année difficile, qui propose une mise en scène si agréable qu’on ne voit jamais le temps passer. Les scènes d’actions de contestations radicales dans la rapidité et la précision de leurs exécutions, sont des purs moments d’intensité filmique autant utiles socialement que visuelles cinématographiquement. Le casting est une chorale c’est vrai, mais avec notamment un trio qui fonctionne à plein régime et qui rend le film d’autant plus vivant encore.

Jonathan Cohen ajoute une forme de complexité à son immense talent comique. Au regard de l’évolution crédible de la pensée de son personnage que l’on sent monter en puissance l’air de rien. Bien que dans son registre habituel jalonné de fulgurances dont on ne sait pas se lasser, l’acteur semble ici comme se densifier. Comme si cette irrésistible ascension ne faisait que commencer pour notre plus grand plaisir ! Pio Marmaï lui aussi semble se grandir dans l’interprétation de son personnage. Son engagement est puissant et l’incarnation une réussite. Il dira lui-même à quel point ce rôle l’a marqué, ça se sent et se voit à l’écran. Et puis, il y a Noémie Merlant. Elle continue son travail de crevage d’écran après son inoubliable performance dans L’innocent (2022). Elle, c’est comme une imprévisibilité de la folie tant elle sait tout faire. Elle est embarrassante de talent, elle est embarrassante de son art, et nous on ne fera qu’en redemander, encore et encore. Notons la réjouissante présence de Mathieu Amalric, qui peut tout jouer, et toujours avec la même puissance dans son souci de vérité. On se régale à chacune de ses apparitions. Gageons qu’avec les lettres de noblesse qu’offrent Toledano et Nakache au cinéma populaire, n’en déplaise aux esprits forcément grognons, ainsi que la présence de l’ultra adulé Jonathan Cohen, les messages d’utilité publique sur la course à notre propre perte passent en force. C’est toute la puissance de ce cinéma-là, terriblement juste et humain. Si toutes les années sont difficiles depuis déjà trop longtemps comme le montre malicieusement le film, heureusement il nous reste le cinéma, et heureusement nous avons Messieurs Nakache et Toledano !!

Titre original: UNE ANNÉE DIFFICILE
Réalisé par: Eric Toledano & Olivier Nakache
Casting: Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Noémie Merlant …
Genre: Comédie
Sortie le: 18 octobre 2023
Distribué par : Gaumont
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































