Critiques Cinéma

LE CONSENTEMENT (Critique)

SYNOPSIS : Paris, 1985. Vanessa a treize ans lorsqu’elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l’amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle. 

Dans un geste littéraire vital et particulièrement notable au sein de son contexte, l’autrice Vanessa Springora sortit en 2020 son premier roman, un récit autobiographique terrible et bouleversant sur les années d’emprise que l’écrivain Gabriel Matzneff a eu sur elle lorsqu’elle avait à peine 14 ans. Agissant comme un moyen pour Springora de raconter sa propre version des faits, de répondre aux multiples écrits de l’auteur utilisant ses relations avec des mineurs comme matière pour ses romans, de « prendre le chasseur à son propre piège en l’enfermant dans un livre « , Le Consentement se dirigea immanquablement vers le grand écran, dans un projet périlleux et complexe chapeauté par la metteuse en scène Vanessa Filho, réalisatrice de Gueule d’Ange en 2018, et écrit par Springora, Filho et François Pirot. Le film suit l’alter-ego enfant de Vanessa Springora, fêtant ses 14 ans au début du film, et sa rencontre avec Gabriel Matzneff, auteur parisien populaire dans la sphère littéraire mondaine. Le romancier, intrigué par la jeune Vanessa, l’invite alors à de multiples reprises chez lui, construisant petit à petit, dans un geste ponctué de violences, une emprise implacable.


Par l’apparente complexité et l’évidente sensibilité du récit rassemblé par Vanessa Springora dans son roman, cette adaptation du Consentement se révèle être un véritable casse-tête narratif. Lorsqu’une histoire, aussi crue, dérangeante, violente et affreuse se révèle sur le papier, quelle perspective se doit de prendre sa retranscription en prises de vue réelles ? Filho opte pour la froideur, offrant une mise en scène sèche et sobre, jamais dans le spectaculaire ni dans le voyeurisme, posant sur le fil de la réalité et de la reconstitution. Et cela passe d’abord par le casting du film, sa véritable réussite majeure, devant à son duo de tête des interprétations extraordinaires de maîtrise tout au long d’un scénario affreusement réaliste, diffusant son venin par le calme plat de ses dialogues habilement découpés. En première ligne, Kim Higelin est époustouflante dans un rôle profondément intimiste, portant le point de vue du film en même temps que ses aspects les plus dérangeants. La comédienne – 22 ans au moment du tournage, mais interprétant le personnage entre ses 13 et ses 18 ans – raconte à la fois la fragilité du début de l’adolescence, l’attraction envers les nouvelles expériences, l’ouverture au sexe et au désir, dans une spirale terrifiante lorsqu’elle rentre en collision avec l’univers de Matzneff, sorte de monstre discret, au charme destructeur et à la toxicité inhumaine. Jean-Paul Rouve, débarrassé des artifices et de ses cheveux, campe avec brio l’aura malfaisante de l’écrivain, servant à la fois sa verve habile et décontractée, mais aussi le poison de ses discours, l’illustre équilibre avec laquelle il manipule ses victimes et la monstruosité du personnage derrière les mots.



Vanessa Filho questionne surtout, dans la lignée des écrits de Spingora, le laxisme total – voire le mépris scandaleux – dont les institutions littéraires et l’entourage proche de Matzneff ont fait preuve au moment des faits. Cette histoire, essentielle autant qu’il est possible de l’être, parvient à captiver par sa violence effroyable et par l’étendue de sa froideur. Rouve, glaçant et implacable, symbolise dans sa forme l’image d’un film quasiment horrifique dans le propos, déployant les mécanismes des abus de pouvoir répétitifs de Matzneff comme structure de sa narration.

Le Consentement pose alors la question dudit consentement ; à 14 ans, lorsqu’une personnalité publique d’une cinquantaine d’années fait croire à la naissance d’une idylle tout en manipulant pour profiter d’une jeunesse, est-on vraiment consentant, même si l’on pense l’être ? Cette question donne au film une matière redoutablement déchirante, lui donnant des airs d’électrochoc étouffant au possible, grâce à une mise en scène âpre et factuelle, réussissant à mettre en relief l’histoire de Vanessa Springora pour transmettre l’importance de son message. Le Consentement est un déchirement absolument essentiel, porté par un viscéral stupéfiant, qui pourra rebuter par sa froideur ou par sa représentation fixe de la réalité, pour finalement venir surligner la nécessité de sa prise de parole. Le Consentement est le cri d’une femme prenant à son tour le chasseur à son propre piège.

Titre original: LE CONSENTEMENT

Réalisé par: Vanessa Filho

Casting: Jean-Paul Rouve, Kim Higelin, Laetitia Casta…

Genre: Drame, Biopic

Sortie le: 11 Octobre 2023

Distribué par : Pan Distribution

EXCELLENT

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