Critiques Cinéma

L’AUTRE LAURENS (Critique)

SYNOPSIS : Gabriel Laurens est un détective privé un peu las, spécialisé dans les affaires conjugales. Lorsque sa nièce Jade déboule dans sa vie pour lui demander d’enquêter sur la mort de son père, frère jumeau de Gabriel, il voit resurgir des souvenirs qu’il pensait enfouis pour toujours. Confronté aux fantômes de son passé, Gabriel est entraîné dans une étrange enquête mêlant faux-semblants, fantasmes et trafic de stupéfiants. 

C’est au sein de la sélection éclectique de la Quinzaine des Réalisateurs de la dernière édition cannoise que le nouveau projet de Claude Schmitz a débuté son étrange vagabondage nocturnal. Après ses débuts au théâtre et ses longs-métrages Braquer Poitiers et Lucie perd son Cheval, c’est avec L’Autre Laurens que le metteur en scène belge exprime sa nouvelle expérimentation, un film multiple à la gémellité déroutante, aussi intriguant et poétique qu’il est confus et mordant. Le long-métrage raconte le parcours de Gabriel Laurens, un détective privé basé à Bruxelles, un jour contacté par Jade, la fille de son frère jumeau, après le décès de ce dernier. Réussissant à le convaincre d’enquêter sur les circonstances de la mort de son père, Jade emmène Gabriel vers le sud-ouest, où les apparences vont s’effondrer autour d’une étrange atmosphère et de curieux secrets de famille. Sous la tutelle du film noir et des contours du polar contrasté à l’extrême, L’Autre Laurens est un projet à l’esthétique déroutante, découpant des couleurs vives et néoneuses dans une approche onirique qui saisit les sens en décrochant la réalité. La photographie dégainée par Florian Berutti, s’appropriant l’étrangeté latente de la nuit et l’hypnotisme du soleil du sud, figure parmi les qualités principales du film, lui conférant cet aspect surréaliste et un tantinet extraterrestre, qui accompagne parfaitement les singulières péripéties d’un scénario aux circonvolutions à la fois absurdes et riches en rebondissements.

Écrit à 4 mains avec la participation de Kostia Testut, le récit du film flirte amoureusement avec le drame policier, le récit de gangster et la comédie sociale, jonglant avec un périlleux équilibre entre les registres et les ruptures de tons, se permettant de rire au milieu du désert et de la nuit noire. Cette multiplicité, complexe s’il en est, est la base de la fragilisation de la structure du long-métrage, qui manque à de nombreux instants à sa promesse d’abandon à son concept, mettant parfois le pied sur le frein par peur de partir dans le trop n’importe quoi. L’Autre Laurens continue alors un brin timidement dans sa bizarre Série B noire, un OVNI de cinéma qui ne dévie jamais trop, restant fidèle à sa retenue pour glisser tout droit vers ses résolutions finales. Sa conclusion fait alors un peu chou blanc, manquant de sens et d’impact dans son implication narrative, bien qu’elle amène une mélancolie montée d’émotions dans ses embouchures, raccrochant le film à son histoire de famille morcelée qui tente de recomposer avec les vivants.


Au sein de ce méli-mélo esthétique, le visage terne et la voix rocailleuse d’Olivier Rabourdin fonctionnent à merveille au service de ce protagoniste taiseux et endeuillé, profitant parfois d’une tendance à la fantasmagorie qui tend à tirer le film vers sa dimension extraterrestre – car l’intégralité des personnages, tellement étranges qu’ils paraissent non humains dans leurs interactions, sont une grande galerie de curiosités. Il est accompagné par la jeune et magnétique Louise Leroy, impeccable dans cette humanité blonde et lumineuse, presque l’unique source d’émotion du récit, et sort assurément de l’écran avec une excellente performance.

Mais L’Autre Laurens est souvent rattrapé par ses propres ambitions multi-facettes, dansant quatre chorégraphies à la fois en manquant de peu de s’abandonner à l’une d’elles. En résulte pourtant une œuvre curieuse et lancinante, à la poésie cachée et à l’émotion diffuse, qui intrigue fortement aux amorces de son concept avant de manquer le tournant dans sa seconde moitié perdant étrangement son souffle et sa vivacité. Schmitz échappe au radar des genres avec son film fracturé par ses jumeaux lointains, conférant à L’Autre Laurens une approche singulière dont on aurait aimé voir bien plus.

Titre Original: L’AUTRE LAURENS

Réalisé par : Claude Schmitz

Casting : Olivier Rabourdin, Louise Leroy, Kate Moran …

Genre: Policier, Thriller

Sortie le : 4 octobre 2023

Distribué par: Arizona distribution

BIEN

 

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