SYNOPSIS : Quand elle arrive à l’Elysée, Bernadette Chirac s’attend à obtenir enfin la place qu’elle mérite, elle qui a toujours œuvré dans l’ombre de son mari pour qu’il devienne président. Mise de côté car jugée trop ringarde, Bernadette décide alors de prendre sa revanche en devenant une figure médiatique incontournable. 

Bien curieux projet que ce long-métrage satirico-biopic sur la Première Dame de France du clan Chirac, jouant à twister la réalité façon comédie pop pour donner son cœur à son aventure. Bernadette est une variation aussi étrange qu’hilarante, prenant la tangente de la réalité – ce qui tend à expliquer la non-communication de l’équipe du film envers la famille Chirac pendant sa production. Réalisé et co-écrit par Léa Domenach (metteuse en scène issue du documentaire) et Clémence Dargent (cocréatrice et scénariste de la géniale série OVNI(s), bijou parti trop tôt des écrans), Bernadette s’empare des curieuses figures de Jacques et Bernadette Chirac, de leur arrivée à l’Élysée à la victoire de Sarkozy en 2007. Tournant cette page de la politique française autour de la place de la Première Dame et des frasques de l’opinion du milieu à son sujet, Léa Domenach privilégie une farce curieusement plaisante bien qu’elle reste en grande partie étrangère à son propos. C’est donc la grande Catherine Deneuve qui prête ses traits à La Tortue (comme son mari la surnommait), au cœur d’un film qui s’immisce dans les silhouettes de ses protagonistes réels pour s’amuser à en grossir les traits. Deneuve joue sur le fil, pas vraiment reconstitution, pas vraiment composition, au service d’une comédie aux multiples idées hilarantes, à commencer par cette chorale qui chante les expositions, remplaçant l’habituelle voix-off. Bernadette trouve le moyen de renouveler de nombreux poncifs du genre, pour dresser un portrait coloré et réjouissant d’une femme ignorée qui cherche sa place.

Domenach axe le concept de son film autour de la relation entre Bernadette et Bernard Niquet, son conseiller communication, dans une quête pour faire d’elle une personnalité marquante au sein de l’opinion publique. Le long-métrage décompose cette recherche, suivant sa singulière protagoniste au fil de ses aventures avec et dans le dos de son Président. Dans ce jeu de manœuvres et de coups de com’, Denis Podalydès fournit un excellent travail de conseiller un brin pathétique, gagnant petit à petit l’affection de Bernadette alors que Jacques Chirac vit son mandat presque en parallèle du récit de Domenach. Incarné par l’excellent Michel Vuillermoz, dans le parfait interstice entre l’imitation et l’interprétation, le Président sert de contrepoids à l’héroïne du film, à la fois intéressé et magouilleur, donnant à cette satire politique un aspect intimiste plutôt bien vu. Et également, grâce à l’usage de réelles images d’archives et de reconstitution avec effets spéciaux (on y voit notamment Catherine Deneuve rencontrer Hillary Clinton), Bernadette joue avec la réalité, reconstruisant les points clés des mandats de Chirac par le point de vue de sa femme. La réalisatrice passe sur la dissolution ratée de l’Assemblée Nationale, du passage de Le Pen au Second Tour en 2002, des scandales d’infidélité, de l’accident de Lady Di au Pont de l’Alma ou encore la conception de l’Opération Pièces Jaunes.

Habité par un casting investi de sa mission drolatique, honnête et sarcastique, Bernadette réussit son inhabituel pari en construisant une comédie politique renseignée et bien écrite, fournissant une jolie panoplie de répliques fruitées et de renvois à la réalité des évènements. Évitant les écueils de la parodie ou de la reconstitution bateau en préférant le semi-biopic tabloïd étrangement pop dans lequel Deneuve et Podalydès excellent, Léa Domenach sort un curieux mélange qui, comme le Présidents d’Anne Fontaine, s’amuse à détourner la réalité sans la trahir, restant dans le respect des icônes qu’il trafique en justifiant ses choix par son approche-même.

En calibrant son récit à travers les yeux de Bernadette Chirac, figure à la fois démodée et effacée derrière l’assemblée d’hommes qui la sépare de son mari, Bernadette adopte l’absurdité de certains personnages (Sarkozy en tête de proue) tout en traitant du cœur d’une femme dans l’ombre de son mari et d’une mère en décalage avec ses enfants. On regrettera que, malgré toutes ces pistes, le film n’ait pas vraiment plus à dire de son propos, mais on se contentera de cette curiosité stylistique acerbe et hilarante qui fait très bien le job.