Critiques Cinéma

CLUB ZERO (Critique)

SYNOPSIS : Miss Novak rejoint un lycée privé où elle initie un cours de nutrition avec un concept innovant, bousculant les habitudes alimentaires. Sans qu’elle éveille les soupçons des professeurs et des parents, certains élèves tombent sous son emprise et intègrent le cercle très fermé du mystérieux Club Zéro. 

Parmi la sélection plutôt sage de 2023 au sein de la Compétition Officielle Cannoise, l’une des propositions les plus déroutantes du défilé du Tapis Rouge aura probablement été Club Zéro, le nouveau film de la réalisatrice autrichienne Jessica Hausner (qui avait déjà décontenancé le public cannois avec son Little Joe en 2019). Dans un exercice de style déroutant, renvoyant le miroir d’un Ruben Östlund (d’ailleurs le président du Jury Cannois cette année) ou d’une très étrange version de Virgin Suicides réalisé par Wes Anderson, Hausner propose une fable caustique et effarante à l’intérieur des troubles et autres obsessions alimentaires. Mené par l’excellente et aussi-terrifiante-que-coincée Mia Wasikowska, Club Zéro suit ladite Miss Novak, nouvelle professeure débarquant dans un établissement à l’appellation « d’élite » et enseignant une approche nouvelle de l’alimentation. Prenant une jeune classe sous son aile, et s’immisçant petit à petit dans leurs habitudes quotidiennes, Miss Novak va les attirer vers le Club Zéro, une nouvelle vision ultra-fermée de l’alimentation, leur promettant d’accéder à un niveau de vie supérieure. Tout ça, au grand dam de leurs familles respectives…


S’enfermant dans un décor ultra-sobre qui joue avec ses symétries et ses profondeurs vertigineuses de vide post-moderne, Club Zéro fait voyager ses jeunes personnages adolescents dans les affres d’une mécanique manipulatrice froide et sarcastique à souhait. Suivant avec attention les leçons inculquées par sa Miss Novak aux promesses spirituelles utopistes aux allures de mentor, guidant ses élèves façon gourou vers la pilule rouge leur permettant de se libérer de la matrice qu’elle met en avant autour d’eux, le long-métrage puise dans une énergie stylistique effroyablement épurée, tissant son malaise dans ses contours et distillant l’inconfort par son parcours anti-conformiste un brin tape-à-l’œil mais terriblement efficace.



Les enseignements de Miss Novak, revisitant avec cynisme les recettes miracles de développement personnel auxquels certaines figures s’accrochent pour pouvoir trouver un combat à mener, donne alors au film son énergie lancinante, à la fois étirée et entraînante, occasionnant des pertes de rythme au cœur de son récit comme dans le déroulé des intrigues de ses différents personnages. Ceux-ci, trouvant à travers leurs interprètes un équilibre délectable, mènent cette macabre danse avec une élégance et un goût prononcé pour la désobéissance et le contre-courant.

S’il s’expand un peu trop dans son envie de sensationnel (on se serait peut-être passé de l’apparence graphique de la scène du vomi) et dans son esthétique calculée à l’extrême qui étouffe complètement l’amplitude de son récit, Club Zéro réussi à poser ses questions tout en dévoilant un récit curieusement hypnotisant, faisant de ses uniformes jaunes des marqueurs religieux, et centrant cette Miss Novak, en apparence inoffensive et souriante, pour l’élever en figure proto-christique inquiétante et vénéneuse. Tout n’est pas réussi dans ce Club Zéro, mais le nouveau portrait caustique et malsain de Jessica Hausner se révèle étonnamment entraînant dans sa mécanique intellectuelle et dans son parcours oppressant qui frappe toujours quand on ne le voit pas venir. Et qui coupe l’appétit pour un petit bout de temps, également.

Titre Original: CLUB ZERO

Réalisé par: Jessica Hausner

Casting: Mia Wasikowska, Sidse Babett Knudsen, Elsa Zylberstein…

Genre: Thriller, Drame

Sortie le: 27 septembre 2023

Distribué par: Bac Films

TRÈS BIEN

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