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TAPIE (Critique mini-série) Tapie, la passion Française !!

SYNOPSIS : De chanteur à businessman, de ministre à prisonnier, Bernard Tapie a tout connu. À travers ses réussites comme ses échecs, la série retrace le destin romanesque d’une personnalité publique hors du commun.

« Je t’arrête tout de suite, c’est non » avait de son vivant répondu Bernard Tapie lui-même, quand Tristan Séguéla, le réalisateur, lui a fait part du projet de série sur sa personne. Comme l’a dit celui qui en est aussi le scénariste : « Il y a bien une chose sur laquelle Tapie m’a inspiré, c’est de ne pas m’en tenir à ce genre de mise en garde. Lui-même n’en aurait pas tenu compte « . « Je suis pas né Bernard Tapie, je suis devenu Bernard Tapie, j’aurai au moins réussi ça » sera le mantra final de Bernard Tapie. La série très romanesque aura réussi aussi à le démontrer sans l’accabler ni le réhabiliter. Les fans seront ravis et les détracteurs ne devraient pas trop détracter. Comme l’équilibre parfait n’existe pas, à choisir, l’on pourrait trouver que le créateur de la série n’est pas malveillant avec son objet, et c’est plutôt à mettre à son crédit. Tapie voulait parler à la France. Ce fils d’un homme du peuple voulait devenir le fils du peuple. Tapie ne pouvait que déchaîner les passions, la déraison. Adulé ou détesté, forcément. La série déploie sans ambages et avec un rythme échevelé l’histoire d’une ambition folle, d’une ascension irrésistible de la détermination de Bernard Tapie à réaliser ses rêves les plus fous. Au fil des épisodes, on mesure notamment la force de sa popularité dans son mode de communication. Un corps comme véritable bulldozer au service de ses utopies sans limites. Le sens de le formule directe et assassine, cette gouaille singulière de Bernard le prolo au service du génie inventif Tapie, toujours à vouloir créer, innover et faire un max de pognon !! Tapie parle à l’ouvrier comme aux plus grands patrons ou au Président de la République.


Ce culot monstre constitutif du personnage, de Cœur assistance, en passant par Wonder jusqu’au ministère de la ville ou la présidence de l’OM, cette folie douce en somme, sont tout aussi attrayants que son sens de la magouille est répulsif. Et c’est précisément en cet endroit que la série arrive à trouver un certain équilibre sans tomber ni dans l’hommage démago et poujadiste, ni dans l’attaque frontale à charge. Au fond, Tapie est didactique et juste. C’est aussi l’interprétation de Laurent Lafitte qui est le cœur nucléaire du sujet. Son énergie et sa justesse crèvent le petit écran et permettent à la série de rester en acrobate sur son fil. Tapie attend un rendez-vous avec le boss de l’Élysée dans les coulisses du dit palais tout en gérant au téléphone mobile d’époque, qui ressemble plus à un Talkie-Walkie, le salaire de Basile Boli, défenseur central de l’OM. Les affaires, le sport, la politique, ce personnage hors normes provoque l’espoir, l’envie d’avancer, comme un rêve à la française.  Dans les vestiaires de OM-PSG, le Président du club, pour haranguer les joueurs phocéens peut aller jusqu’à leur affirmer que c’est « un combat des petits gars du peuple contre les élites parisiennes… » Dans les faits, c’est surtout le pognon contre le pognon !! Mais ce mythe a longtemps fonctionné, c’est tout le génie du camelot flamboyant !!  Viendra bien sûr la politique, où il se prendra le pire du mépris de classe. Pas mieux que lui, mais mieux nés pour la plupart. C’est peut-être aussi là que ses saillies oratoires seront le plus jubilatoires, où il nous affirme par exemple comme ministre de la ville : « Je veux un grand plan banlieue et me sortez pas vos phrases à la con sur la profondeur des piscines municipales !!« .  Mais Tapie, c’est aussi toute cette passion entre Bernard et Dominique. Elle est folle amoureuse de lui en ayant pleinement conscience de la béance de sa faille narcissique. Tapie est cette série sur une dévotion amoureuse qui ne faillit jamais.


Évidemment on tombe en empathie, même quand le flagrant délit de triche s’impose à nous. Toute la complexité du personnage est celle de la série. On peut être autant attristé qu’il se fasse pincer alors qu’il le mérite, autant que d’autres vont nourrir comme une jubilation extrême à le voir tomber car il ne vient pas du sérail. Les bonds dans le temps à chaque début d’épisode sont déroutants car très importants, c’est un brin frustrant. L’existence de Tapie fut telle avec ses 1000 vies, qu’il est difficile de s’y consacrer dans les menus détails. Pourtant, ce choix de mise en scène paraît presque trop radical car on en veut plus au regard du pouvoir de captation de la série, évidemment à l’image de la fascination exercée par son héros maudit. Pour autant, les couleurs pétantes, l’hyperactivité délirante de Tapie donnent un rythme haletant à ce quasi mix entre biopic et thriller existentiel !! Une autre phrase meurtrière, mais cette fois-ci qu’il se prend pleine face marquera sa descente aux enfers : « Vous n’avez pas tant d’importance à mes yeux » lui répondra avec la froideur glaçante de la justice le procureur De Montgolfier face aux dernières estocades du matador pas encore à terre. Il ajoutera pour l’achever : « Vous avez vécu par l’image, vous périrez par l’image« . Aux Césars des séries, Laurent Lafitte serait légitimement le grand favori pour le meilleur interprète masculin. Il y a sa transformation physique au travers des années, qui est une totale réussite. Voici ce qu’il en dit : « On a fait des essais avec beaucoup de prothèses mais ça ne marchait pas donc j’ai opté pour une approche plus personnelle. Pour moi, Tapie, c’est une énergie. J’ai donc essayé de trouver sa rapidité, son ambition, sa séduction…Mon objectif était d’en créer ma propre version. Il y a chez lui un contraste assez franco-français. Il suscite à la fois de la fascination, de la répulsion, de l’interrogation, de l’attachement. Plein de contradictions qui en font un personnage assez étonnant. » Mais aussi et surtout car l’acteur ne se limite pas à l’imitation sur un mode caricatural mais véritablement il incarne Tapie. L’on pensera notamment à l’excellent Denis Podalydès jouant Sarkozy dans La conquête (2011). Le meilleur compliment mérité que l’on pourrait adresser à Laurent Lafitte est d’affirmer que l’on se prend parfois à ne plus se croire dans un biopic mais bel et bien dans un documentaire. Il est de tous les plans, son interprétation est troublante d’authenticité, du très grand Laurent Lafitte. Joséphine Japy dans le rôle de Dominique donne mieux que le change à Laurent Lafitte. Elle est amoureuse, passionnée, toute entière dévouée à la cause de son homme. Une forme de Tapie au féminin, où la sincérité et la conviction de l’actrice sont au diapason. La chanson Love me de Polnareff, terrible ironie au regard du tout premier épisode, entendue à la toute fin de la série, résume finalement parfaitement ce destin à nul autre pareil des passions françaises : « Vraiment, prenez-vous tant de plaisir à me voir souffrir ?  » ou encore « Pourtant, je veux jouer ma chance, même si, même si je devais y bruler ma vie… « . Si elle sera sans doute contestée, la série Tapie n’est jamais ennuyeuse et nous fait revivre avec brio un pan d’histoire contemporaine sacrément passionnante et qui le valait bien !!!

Crédits : Netflix

Catégories :Critiques, Séries

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