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BORGEN, LE POUVOIR ET LA GLOIRE (Critique Saison 4) Le sublime vient du Nord !!


SYNOPSIS : La ministre des Affaires étrangères Birgitte Nyborg voit sa carrière compromise lorsqu’un conflit pétrolier au Groenland menace de se transformer en crise internationale.

Aucun round d’observation après pourtant 9 ans d’absence, comme si cette saison 4 de Borgen avait tout naturellement suivi la précédente qui nous avait laissé avec son personnage principal, Birgitte Nyborg, leader d’un nouveau parti politique victorieux. Très vite, on retrouve les sujets phares qui ont fondé le succès d’une série aussi sobre qu’efficace tant appréciée dans les trois premières saisons. Le pouvoir exercé au féminin, le refus des dogmes dans une complexité qui met à mal les convictions les plus sincères et ancrées et le difficile équilibre entre vie privée et publique. Le créateur de Borgen, Adam Price réussit le tour de force, après presque une décennie loin des écrans, de titiller l’air de rien notre totale addiction.


Et surtout, Borgen saison 4 c’est cette atmosphère si feutrée, intelligente et très directe à la sauce danoise qui frappe d’emblée les esprits. Moins speed qu’A la maison blanche (1999-2006), c’est un euphémisme, mais tout aussi éthique et authentique dans le fonctionnement des arcanes du pouvoir. Une véritable série d’anticipation puisqu’un an après la première saison, c’est bien une femme qui prenait le pouvoir au Danemark. Borgen saison 4, ce sont ces questions d’éthique face au pouvoir de l’argent qui se déploient en contournant toujours le manichéisme et les stéréotypes. La force déjà si puissante des trois premières saisons est plus que jamais dans cette quatrième, étincelante d’intelligence. Viennent s’y ajouter les histoires secondaires tout sauf inintéressantes, qui permettent de donner d’autant plus de relief au sujet central de l’exploitation pétrolière au Groënland. Évidemment, toutes les grandes puissances vont s’en mêler, mues par des dessins toujours bien protectionnistes, entre Chinois, Russes et Américains, le tout face à une politique Groenlandaise particulièrement champêtre. Au-delà du sujet qui donne le la du pot de fer contre le pot de terre, c’est une véritable modernité environnementale, climatique et féministe qui rythme le récit de cette saison, totalement en phase avec son époque.


La mise en scène aux accents si épurés au charme fou autant qu’unique, est captivante dans cette constante alternance entre la froideur des bureaux ministériels danois et ce qui se joue concrètement dans la somptuosité glaciale du décor naturel du Groënland. « La nature est grandiose, l’homme l’est plus encore « de Knud Rasmussen. Cette citation assertion du début de l’épisode 3 de l’explorateur et anthropologue danois, surnommée ‘Le père de l’esquimaulogie », saurait finalement résumer tout ce qui prédomine à Borgen saison 4. L’homme dans son originelle humanité, mais qui se vit aussi dans son pouvoir destructeur de toute chose… Cette confrontation est permanente et au fil des épisodes, c’est cet universel combat qui se déplie pour un ensemble résolument moderne, écologiste, mais jamais punitif. Borgen saison 4 ne regarde pas ailleurs pendant que la maison brûle, mais dissèque les folies du pouvoir pour mieux ouvrir la brèche d’une tentative d’espoir planétaire. On y retrouve des protagonistes des trois premières saisons, toutes et tous empêtrées entre leurs valeurs et la réussite, qu’il s’agisse des journalistes ou autres conseillers politiques. Birgitte Nyborg fera le tour d’elle-même jusqu’à se geler les ailes, poussant son ambassadeur pour l’arctique à lui demander : « On est pour ou on est contre le pétrole ce matin ?« . C’est bien la possession du pouvoir qui corrompt inévitablement la raison comme le prophétisait Kant, ce qui résume assez bien non seulement la politique en général et ce qui se joue dans cette saison 4 de Borgen en particulier. Nyborg sera confrontée à elle-même, mais pour que Birgitte reste Birgitte, comme Bartlet qui sera toujours Bartlet, pour sonder la pureté de ses propres idéaux face aux dangers de la compromission et de la trahison, elle pourra toujours demander à sa tête pensante, car en politique comme ailleurs, il existe toujours « Un meilleur d’entre nous  » : « Bent, quelles sont mes options ?« 


Sidse Babett Knudsen rayonne toujours autant dans le rôle de Birgitte Nyborg. Elle redonne souffle et vie à son personnage à tel point que si on nous demande spontanément de citer une personnalité politique danoise, on dirait spontanément et instinctivement Birgitte Nyborg. Même sans mari délaissé ou enfant à charge cette fois-ci, elle excelle toujours autant dans les turpitudes de la conciliation de différentes identités. On est complètement addict tant elle apporte à elle seule la parfaite touche finale d’excellence à la série. Mikkel Boe Følsgaard crève ici le petit écran dans le rôle d’Asger, son ambassadeur de l’arctique, dont le personnage monte en puissance et que l’acteur réussit à rendre diablement attachant. Birgitte Hjort Sørensen qui joue Katrine Fonsmark, que l’on retrouve avec le même plaisir donne une complexité très tourmentée à son personnage, particulièrement mise à mal cette saison. Une mention à Nivi Pedersen, qui joue Emmy Rasmussen, cheffe de cabinet de la première ministre groenlandaise, dans un rôle discret mais au jeu suffisamment en nuances pour qu’il se fige dans nos cœurs. Cette quatrième saison de Borgen, 9 ans après, ne perd rien de son charme fou venu des froideurs nordiques dans cette atmosphère autant feutrée que contemporaine. Les réflexions sur le chaos de l’éthique sont toujours d’une redoutable pertinence, avec ce sens de l’empathie toujours au rendez-vous. Qu’il est bien difficile de trouver des défauts à cette parfaite réussite !! Avec Borgen saison 4, pas d’erreur possible, le sublime vient du Nord !!

Crédits : ARTE

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