Critiques Cinéma

VISIONS (Critique)

SYNOPSIS ; Pilote de ligne confirmée, Estelle mène, entre deux vols long-courriers, une vie parfaite avec Guillaume, son mari aimant et protecteur. Un jour, par hasard, dans un couloir d’aéroport, elle recroise la route d’Ana, photographe avec qui elle a eu une aventure passionnée vingt ans plus tôt. Estelle est alors loin d’imaginer que ces retrouvailles vont l’entraîner dans une spirale cauchemardesque et faire basculer sa vie dans l’irrationnel…

Le pulsionnel permet l’exploration de la radicalité et d’une forme de noirceur de l’âme humaine. C’est une des promesses de Visions à en croire ce qu’en dit son réalisateur Yann Gozlan : « Je suis convaincu qu’on reste malgré tout, sous la surface, des êtres animés de pulsions. On a beau vouloir raisonner et se présenter comme des personnes civilisées, notre part animale est toujours là, prête à faire éclater les digues qu’on s’est construites pour contenir nos instincts…  »  C’est aussi l’anthropologie de la perte de contrôle que poursuit ici le cinéaste. Un thème dont il était déjà question dans les très haletants Un homme idéal (2015) et Boîte noire (2021) dont les respectives mises en scènes ne nous laissaient délicieusement que peu de répit. Ici, c’est l’étrangeté du soi profond et de l’intime, notamment dans ce qui peut se jouer à l’intérieur d’un cockpit. Un programme sur le papier particulièrement alléchant, avec un réalisateur qui sait tenir en haleine son spectateur. A se demander si Yann Gozlan ne devient pas le maître du suspense à la française.

Il n’en est tout cas pas loin tant Visions tient ses promesses initiales. Plus noir, plus nerveux et plus outrageusement pervers que Un homme idéal, il est comme son cousin maléfique. On y retrouve une forme de pureté de l’image et de la photographie, une discrète mais grisante bande son, avec cette même énergie de vie pulsionnelle, dans une épure de mise en scène pourtant régulièrement interrompue par des images filandreuses et hypnotiques, qui captivent et n’ennuient jamais sur ses deux heures. Le cinéaste filme pourtant ici la simplicité d’un trio amoureux avec ce qui en apparence s’impose dans ses codes convenus. Pourtant, à mesure de récit et d’un sens de l’intrigue très esthétisant, le spectateur est comme enivré d’une histoire folle de charme sensuel, inquiétante et terriblement vivante à l’écran. L’on court toujours après la complexité de l’impossible qui nous fascine à peine inconsciemment, alors que le bonheur est sous nos yeux. Guillaume aura beau répéter à Estelle un mantra qui va prendre un sens de plus en plus prégnant : « Personne ne t’aimera comme moi « , rien n’y fait, le poison de l’interdit, la passion du retour de la nouveauté incarnée par Ana l’aimante jusqu’à possiblement l’anéantissement. Car Ana est de celle qui fuit quand elle aime.

Au travers des visions d’Estelle, le film joue avec la vérité, l’illusion est partout. Et si pourtant tout était sous nos yeux, c’est ici toute l’âme du thriller dans les dangers névrotiques de l’obsession amoureuse. Une des forces de Visions est de ne pas tomber dans le piège de la lassitude et de la répétitivité, avec une montée très habile et progressive des rebondissements en réussissant à ne quasiment jamais nous perdre jusqu’à un dénouement aux confins de l’imprévisible et du renversement de paradigme. L’élégance de la mise en scène est pour beaucoup dans cette narration si palpitante. On s’est tous au moins posé une fois la question de savoir dans quel état émotionnel se trouve le pilote de l’avion dans lequel on prend place. Autant dire que vous ne sortirez pas rassurés à cet égard de Visions.

Le choix de Diane Kruger est tout sauf un hasard pour son réalisateur qui en parle ainsi : « De par son magnétisme incroyable et sa photogénie spectaculaire, Diane incarne, à mes yeux, l’héritière de la figure hitchcockienne. Ensuite, avec son regard d’acier et cette force naturelle qu’elle dégage à l’écran, Diane était parfaite pour incarner cette femme pilote qui nous impressionne au début du film par sa puissance et sa maîtrise.  » Le personnage d’Estelle est malmené à souhait comme semble affectionner son cinéaste au regard de ses œuvres précédentes. C’est par ailleurs comme une légère limite tant Diane Kruger doit tout jouer à la fois, ce qui la rend presque trop omniprésente. Mathieu Kassovitz, qui joue un Guillaume tout en classe et en raffinement, s’évertuera à demander à Estelle comment elle va et tire son épingle du jeu d’un rôle secondaire presque en format de faire-valoir. Marta Nieto dans le rôle d’Ana est fascinante tout à la fois de grâce et d’une grave légèreté. Elle joue sur les contrastes avec un charme de tous les instants. L’envoutement qu’elle provoque chez Estelle devient très vite le nôtre. Sa présence est lancinante, évidente et totale. Au final, Visions vient nous chercher sur le terrain de la sensorialité et de la fascination. Celle des profondeurs de l’âme humaine dans ses aspects les plus troublants de l’envahissement. Nous sommes face à un thriller qui porte une vraie singularité et qui réussit à nous surprendre, ce qui est toujours un plaisir de cinéma.

Titre Original: VISIONS

Réalisé par: Yann Gozlan

Casting: Diane Kruger, Mathieu Kassovitz, Marta Nieto…

Genre: Thriller

Sortie le: 06 Septembre 2023

Distribué par: SND

TRÈS BIEN

1 réponse »

  1. C’est très bien à condition de pas chercher à comprendre. Je ne sais toujours pas pourquoi elle a un coquard à la fin (alors que l’accident vient après, que l’œil abîmé a été vu plusieurs fois depuis le début et si c’est bien le sien comme on veut nous le faire croire dans la dernière séquence, l’ecchymose aurait du trouver une explication). C’est une incohérence parmi d’autres.

Laisser un commentaire