![]()

SYNOPSIS : Les coulisses d’un procès américain à travers les yeux d’un juré en particulier, Ronald Gladden. Gladden ignore que toute l’affaire est fausse, que tout le monde, sauf lui, est un acteur, et que tout ce qui se passe – dans la salle d’audience et à l’extérieur – est soigneusement planifié.
Depuis la fin de sa version américaine – sans aucun doute la plus populaire de toutes – en 2013, le The Office de Ricky Gervais et Stephen Merchant a durablement laissé des traces dans l’inconscient collectif, ne serait-ce que par les centaines de memes qui bombardent les réseaux sociaux chaque jour et contribuent à garder le simplet et attachant Michael Scott ou le relatable Jim Halpert en mémoire. Les enfants, légitimes et illégitimes, de The Office ont pullulé les années suivant sa fin, avec des succès fluctuants tant l’atmosphère de la série et de son humour cringe à s’en arracher les cheveux de malaise sont un casse-tête à composer. 10 ans plus tard, c’est au tour de Lee Eisenberg et Gene Stupnitsky (producteurs, scénaristes et réalisateurs d’une paire d’épisodes de The Office) de retrouver les caméras embarquées et les situations ubuesques, cette fois à l’intérieur d’un tribunal. Jury Duty suit une petite dizaine de jurés américains, choisis pour encadrer un procès chargé en rebondissement intenté par une grande entreprise contre un de ses employés, retrouvé fortement alcoolisé sur son lieu de travail. Captant l’ironie et l’improbabilité des différentes saynètes qui vont secouer le procès par les personnalités très colorées des jurés et par un usage des « confessionnaux » pour interroger les protagonistes sur la tenue des évènements, ces 8 épisodes ramènent au centre du débat le goût du cringe, de l’humour régressif et du déroulé de l’absurde jusque dans son concept même. Mais le véritable intérêt de Jury Duty est dans sa production, car un twist déluré attend l’un de ses protagonistes. Ronald Gladden, Juré #6, Porte-Parole de l’hétéroclite bande qui compose avec lui le jury, est le seul de tout cet imbroglio à ne pas être un acteur. Chaque personne qui l’entoure, au long de ces 8 épisodes résumant les 3 semaines du tournage, est un comédien dans la confidence d’une énorme mise en scène. Pas vraiment une caméra cachée, pas vraiment de la télé-réalité, pas vraiment une série : Jury Duty joue entre les lignes, en terre inconnue, mélangeant fiction et réel, plongeant un américain ordinaire à l’intérieur de la plus déjantée des sitcoms modernes.

Autour de l’attachant Ronald Gladden s’amusent alors à composer un grand n’importe quoi fictionné les géniales révélations Edy Modica (la délurée et passionnée Jeannie), Mekki Leeper (l’influençable coincé Noah), David Brown (le délicieux Todd, ingénieur en herbe fana d’high-tech), Rashida Olayiwola (l’officière Nicky Wilder, responsable autoritaire du groupe), et l’explosif James Marsden (incarnant le narcissique et opportuniste comédien… James Marsden). Cette bande en tout genre trouve une alchimie spectaculaire, digne des meilleures sitcoms caméras embarquées américaines, jonglant entre leurs préoccupations personnelles (Marsden essaye toutes les combines pour fuir ses responsabilités de juré, Jeannie tente de draguer le timide Noah, Todd cherche à s’intégrer au groupe…) et leurs devoirs au sein de ce procès hors-normes, littéralement plus grand que nature. Mais la véritable réussite de la série, au-delà de sa production extrêmement exigeante et jouissivement millimétrée, se trouve en son centre même. Ronald, le seul à ne jouer aucun autre rôle que lui-même, parvient à dégager une sympathie et une énergie singulière au milieu des situations les plus absurdes, prenant les décisions les plus justes et les plus honnêtes lorsque le ciel lui tombe sur la tête. La production, complotant dans l’ombre pour jouer des sales tours au scénario de leur histoire de procès, prend alors un malin plaisir à s’abandonner à l’absurde de ses personnages et au burlesque total de leurs décisions. Ron est alors le parfait protagoniste, jamais présenté ni traité comme le dindon de la farce, mais comme le Héros le plus pur et le plus honnête que ce genre de sitcom peut compter à son bord. De ce fait, Jury Duty fonctionne à plein régime dans un déluge chaotique de saynètes improbables, de dialogues extrêmement fruités et de passages très bien guidés par le corps de comédiens (même si certains s’aventurent peut-être trop dans le trash pour son concept – on pense à la scène de Marsden aux toilettes, ou celle du « soaking » qu’on ne décrira pas pour garder cette critique tout public, bien sûr).

Dans l’ensemble, Jury Duty ressemble à un concept de télé-réalité douteux aux ambitions questionnables, qui réussit contre toute attente et pour le plus grand bonheur des amateurs de cringe et d’idées farfelues à éclater les apparences pour faire naître le rire aux frontières de la fiction. On apprécie alors totalement les bêtises crasses de son scénario, les impros crétines de son casting délicieux et la naïveté de ses personnages, qui donnent à Jury Duty une immense apparence de théâtre à ciel ouvert (ou plutôt à huis-clos…) qui met à l’honneur son protagoniste-malgré-lui, parfait médium de « Jim Looks » (les fameux regards caméras de Jim dans The Office, jouant la complicité avec le public lors des frasques absurdes de ses collègues) et source d’une suite impressionnante de séquences profondément humaines et authentiques au fil des épisodes.

On pense notamment aux secrets qu’il garde pour lui, aux relations intenses qu’il construit avec certains jurés qui laissent parfois tomber le masque de leurs personnages, ou encore à ce spectaculaire avant-dernier épisode de débat entre jurés sur le verdict qu’ils vont émettre à l’issue du procès (et pour lequel on imagine bien Ron avoir regardé 12 Hommes en Colère entre Sonic et Sex Drive pendant le tournage). Au final, Jury Duty est un plaisir euphorisant et addictif, comptant déjà quelques nominations pour les prochains Emmys, qui donnera probablement à son tour des enfants légitimes et illégitimes dans les prochaines années…
Crédits : Amazon Prime Video








































































































































