Critiques Cinéma

INFILTRÉE (Critique)

SYNOPSIS : Sarita apprend que le nouveau petit ami de sa sœur fait partie d’un dangereux gang. Quand elle disparait après une soirée, elle le suspecte immédiatement et va trouver un moyen d’infiltrer son gang. Prête à tout pour découvrir la vérité, elle se retrouve impliquée dans leurs crimes. 

Troisième film du réalisateur américain Justin Lerner, co-produit au Mexique et dans sa maison-mère au Guatemala, Infiltrée circule sur la voix des polars sociaux classiques consacrés à l’étude et l’influence des gangs en Amérique Centrale. On y suit le personnage de Sarita, une jeune femme de Guatemala City, nourrissant avec sa grande sœur Bea une relation intense et fusionnelle. Lorsque cette dernière disparaît après une soirée en boîte de nuit, Sarita se rapproche de son ex-petit-ami Andrés, et s’infiltre dans son gang à Puerto Barrios. Pour gagner la confiance de ses chefs, et retrouver la trace de sa sœur, la jeune femme va se laisser emporter par la violence qui meut le milieu des gangs guatémaltèques. Si son récit explore des zones que l’on reconnaît déjà dans son parcours initiatique, dans sa boucle d’intensité et dans l’implacabilité de sa mise en scène, Lerner propose avec cet étrange Cadejo Blanco un voyage particulièrement saisissant à travers son milieu par le prisme d’une protagoniste à la recherche de réponses et par les âmes qu’elle croise sur son chemin. En faisant le choix du réalisme, faisant conformer dans un premier temps ses personnages à un degré de crédibilité et de légèreté de ton pour pouvoir mieux les pousser à leurs limites dans sa seconde partie, le film embarque alors dans une atmosphère lancinante, voire même parfois contemplative, qui tire sa durée vers pas moins de 2h. S’il en découle certaines longueurs thématiques, Infiltrée réussit sa mission haut la main grâce à sa galerie étrange et touchante de personnages aux motivations floues et mues par les ricochets de violences qui se répondent à travers les très jeunes gangs de Puerto Barrios.

Encapsulés par le personnage d’Andres, un jeune gangster mystérieux qui se dévoile délicatement dans la dernière partie de cette histoire, ces idées servent de balances à un long-métrage qui prend le temps de se poser avec ses enjeux pour finalement laisser la brutalité exploser et faire office d’une sorte de justice, aussi sanglante soit-elle. Par son titre original, le Cadejo Blanco – représentant un mythe natif d’Amérique Centrale, un esprit à forme de chien qui image le bien qui protège les voyageurs – Infiltrée se plonge dans une intrigue aux contours mystiques, se laissant embarquer par les remous de la vengeance tus derrière les apparences et derrière la performance profondément juste de la comédienne Karen Martínez qui excelle dans une partition complexe.


A ses côtés, l’impeccable Rudy Rodríguez permet à son intense Andrés de mettre des points de repères au centre du récit, l’amplifiant avec une sensibilité désarçonnante qui secoue d’autant plus quand le film décide de passer à la vitesse supérieure. Au final, cet Infiltrée est une réussite à la forme étonnante et au déroulé inhabituel, qui vient chercher l’émotion là où on ne l’attend pas pour raconter les cycles de violences et la façon dont ils se plaquent sur les très jeunes gangs d’Amérique Centrale. En se bouclant sans fioriture de façon fataliste et cathartique, ce Cadejo Blanco construit avec la subtile photographie de Roman Kasseroller et la bande-originale sèche de Jonatan Szer une plongée radicale, contrastée et un brin austère derrière ses apparences attachantes, qui secoue son petit monde en explorant ses mécanismes du point de vue de sa Sarita, aussi naïve que déterminée à l’idée de retrouver sa sœur pour la ramener à la maison.

Cette quête de sens et de justice, profondément et thématiquement injuste par nature, tire un peu trop la corde en mettant à son bord une bonne vingtaine de minutes de trop, mais convainc par son rapport tendu et âpre à ses propres émotions et à son parcours motivé par la haine, la peur et la colère. En ça, même si cette histoire évoque des airs qu’on a d’ores et déjà entendu, cet Infiltrée parvient in fine à saisir par son implacabilité et par la force souvent mutique de son parcours initiatique tragique, habité par des âmes grises qui se perdent en chemin.

Titre Original: CADEJO BLANCO

Réalisé par: Justin Lerner

Casting : Karen Martínez, Rudy Rodríguez, Brandon López…

Genre: Drame, Thriller

Sortie le: 23 août 2023

Distribué par: L’atelier Distribution

TRÈS  BIEN

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