Critiques Cinéma

À BOUT DE COURSE (Critique)


SYNOPSIS : Danny, jeune homme de 17 ans, est le fils d’anciens militants contre la guerre du Vietnam. Ses parents Annie et Arthur Pope organisèrent un attentat à la bombe contre une fabrique de napalm. Un gardien meurt lors de l’explosion. Depuis, les Pope sont en fuite. Danny vit assez mal cette situation de mensonge et de dissimulation. Mais tout va basculer lors de sa rencontre avec Lorna Philips, la fille de son professeur de musique.

Dès sa sortie en 1988, A bout de course a rencontré un succès assez fulgurant aussi bien auprès du public, avec 2,8 Millions de dollars de recettes, qu’auprès des critiques, qui, comme le New York Times n’ont pas hésité à le qualifier de « meilleur film de l’année « . Sidney Lumet s’est largement inspiré de la vie de Bernardine Dorhn et Bill Ayers, qui furent les membres fondateurs de la Weather Underground, une organisation de gauche radicale, qui ont eux même vécu dans la clandestinité. Bien que recherché par le FBI, en raison d’attentats contre des bâtiments public en protestation des guerres menées par les Etats-Unis, le couple était considéré par le grand public comme les «  Bonnie & Clyde  » du pacifisme. A bout de course, c’est la mise en exergue de l’amour familial entravé. Ce thème de prédilection du réalisateur, Lumet le film ici comme jamais. Et c’est toute la mise en scène qui accompagne la force de ces liens dans tous ces plans, où avec eux, on vit, on rit, on pleure et on danse. A bout de course pose notamment la question du droit au bonheur pour une famille traquée, qui se pose sempiternellement la question de comment vivre sans pouvoir exister. Avec ce passé délictueux qui génère un présent inexistant et enraye toute perspective d’avenir. On va durant les presque deux heures de film s’attacher à la famille Pope. On peut également facilement épouser la cause antimilitariste qui fut la leur. Le problème est qu’ils ont ôté la vie, certes accidentellement mais ôté la vie quand même. Lumet joue alors avec l’ambiguïté de nos sentiments en créant une profonde empathie avec ce clan insubmersible. Ainsi, le cinéaste vient nous chercher sur le terrain des valeurs et de nos éreintantes et perpétuelles contradictions.


La scène de l’anniversaire maternel et notamment la danse familiale aimante et joyeuse avec Lorna, la petite amie de Danny en invitée exceptionnelle dans tous les sens du terme, est un grand moment humaniste de bonheur communicatif. Dans cet absolu drame familial, Sidney Lumet nous prend par l’intelligence des sentiments, et on se place du côté de Danny, afin de l’extraire de cette fuite permanente et lui laisser une chance de vivre sa vie, autant amoureuse avec Lorna que dans une chance unique de développer son talent héréditaire de pianiste. Une chance dont sa mère n’a pu elle-même se saisir. Le nœud cornélien devient tout en finesse œdipien. L’unité familiale ou l’émancipation individuelle ? Dans une situation extrême, c’est bien l’universalité de la question de l’envol du nid que chacun dans sa destinée est amené à se poser. C’est aussi comme dans Daniel (1984) du même réalisateur, toute la question de l’héritage parfois douloureux que l’on n’a évidemment pas choisi. Danny devra lui choisir entre deux abandons, et ça sera déchirant… A qui reviendra le dernier et ultime geste d’amour, dans une série de rebondissements psychoaffectifs particulièrement prenants.



River Phoenix livre une interprétation riche d’authenticité et de contraste, notamment dans la forme de servilité qui est parfois celle de son personnage, teintée de cette velléité d’émancipation et cette quête existentielle. Il incarne avec une profonde justesse un Danny petit génie, qui a grandi bien vite. Christine Lahti est une mère aimante qui essaye de tenir tous les bouts d’une intenable situation familiale. Son engagement est total. Tout comme Judd Hirsch, clivé entre des poussées d’autoritarisme qui s’expliquent par la situation, mais aussi par un évident humanisme paternel.


Petite mention pour Martha Plimpton, qui incarne une Lorna amoureuse de Danny particulièrement émouvante dans la curiosité puis l’attachement qui devient le sien. Par son non verbal notamment, elle permet à son personnage de contourner les stéréotypes du romantisme gnan gnan et donne une puissante densité au rôle de Lorna. Avec A bout de course, Lumet nous propose une véritable démonstration, et une sublime et subtile variation sur l’inconditionnalité des liens. A cet égard, tout le film amène à ce dénouement bouleversant et d’une splendide tendresse. A découvrir ou à revisiter, A bout de course demeure un grand moment de cinéma et donc de vie.

Titre Original: RUNNING ON EMPTY

Réalisé par: Sidney Lumet

Casting : River Phoenix, Christine Lathi, Steven Hill

Genre: Drame

Sortie le: 26 Octobre 1988

Distribué par:  –

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