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SYNOPSIS : Pete Saint-John oeuvre comme conseiller en image pour tous les responsables qui ont les moyens de s’offrir ses services. Il ne se préoccupe pas de morale, juste d’efficacité. Après avoir propulsé au plus haut des sondages un homme politique sud-américain, il rentre aux Etats-Unis pour s’occuper de la campagne du sénateur Sam Hastings, qui souhaite conserver son siège. Cependant, une décision subite de Hastings amène Pete à s’interroger sur le sens de son travail. Il fait part de ses doutes à son ancienne épouse, Ellen, une journaliste, et à un vieil ami, Wilfred Buckley, qui a longtemps travaillé avec lui. Pete commence à enquêter sur Hastings. Sidney Lumet dénonce avec brio une manière de faire de la politique où l’apparence prime sur le fond.
Sidney Lumet, cinéaste engagé, c’est un euphémisme. Son parcours est jalonné de thématiques où il a toujours eu à cœur de de décrypter les rapports de l’homme à l’institution. On pensera évidemment à l’inoubliable Douze hommes en colère (1957). Ici, en attaquant au lance flammes l’avènement de la communication sur la pensée politique dans une Amérique reaganienne hors les caméras, il fait clairement écho à Network, main basse sur la télévision (1976) où dix ans auparavant, il se déchaînait avec encore plus de verve et de mordant sur le petit monde médiatique. « Ce qui m’intéresse moi, c’est de vous faire élire. Lorsque vous le serez, vous ferez tout ce que vous voudrez « . Pete Saint-John est un mercenaire total. Son idéologie, que nous ne connaissons pas, car elle semble ne pas réellement exister, est substituée par la statistique, les convictions par la communication, le programme politique par un constant et consternant spectacle. Saint-John est un show à lui tout seul. Il vulgarise au sens on ne peut plus médiocre du terme les légendaires assertions de Sir Winston Churchill sur la démocratie, qui disait entre autres : « Vous voulez être dégouté de la démocratie, passez 5 minutes avec un électeur lambda. » Dans Les coulisses du pouvoir, la population est passée au crible selon ses atours les moins reluisants et avec la méthode Saint-John, il s’agit non pas pour le candidat de délivrer une pensée mais de s’adapter en permanence aux idées majoritaires par thématiques.

Il matérialise notamment la pensée de L’art de la guerre de Sun Tzu, avec cette idée non pas de la guerre totale, mais plutôt le déploiement de tous les moyens possibles pour parvenir au résultat final, y compris bien sûr en affaiblissant l’adversaire sans véritablement le combattre, puisque ce ne sont surtout pas les idées qui vont prédominer. Les coulisses du pouvoir, c’est une époque sans internet ni réseaux sociaux, c’est de fait une communication qui ne fait pas forcément feu de tout bois, mais qui déjà s’appuie sur le maniement de l’image dans des spots publicitaires grossièrement mis en scène, qui agissent sur les neurones les plus grégaires. Pour autant, point d’archaïsme, mais plutôt comme une avant-garde de ce qui depuis a explosé sur l’usage douteux du numérique et le pouvoir inouï des médias. On fait et on défait, c’est le triomphe de la bonne image au profit de la sincérité d’une idée. Ne surtout pas trop parler aux cerveaux, mais plutôt à nos plus bas instincts, sans se faire pincer. Lumet décortique ici ce que nous ne savons que trop bien, à savoir que les électeurs ont les élus qu’ils méritent et que la démocratie n’est pas autre chose que la dictature du peuple. Le cinéaste le fait avec l’énergie foisonnante de son talent critique sur un pays qu’il aime tant disséquer. Il utilise tous les plans imaginables dans sa mise en scène pour accréditer la thèse qu’il développe. Le peuple ne vote pas pour des idées, mais pour des hommes. C’est le storytelling permanent, et si ce n’est pas nouveau, le réalisateur y va au scalpel et psychologise avec jubilation la pensée des politiques et des communicants.

La mise en scène est tournoyante, tant nous suivons justement plusieurs campagnes en même temps mais ne nous embourbe jamais, car nous suivons notamment la constance de Saint-John dans ses outrances de cynismes, jusqu’à un possible retournement, certes quelque peu idéalisée et modérément crédible. Seule faiblesse scénaristique de David Himmelstein pour qu’elle soit soulignée. Une illustration contemporaine en dit long sur ce que semblait ici prédire Lumet. Lors de la présidentielle de 2007 en France, dans une émission politique à peine démago, une candidate se dirige vers une personne en fauteuil roulant alors en pleurs. Il paraît qu’un célèbre camarade à elle aurait sorti : « S’il se lève, on a gagné !!« . La formule teintée d’humour noir vaut il est vrai son pesant, mais surtout dit beaucoup des attentes irréelles d’un peuple sur sa classe politique. L’idée est finalement de se faire aimer par la classe moyenne, pour venir faire les 51%, en sus du segment clivant de population que l’on aura préalablement choisi.

Dans Les coulisses du pouvoir, on entraperçoit également le poids des lobbies, et même déjà des pressions de certaines puissances étrangères sur le déroulé d’un scrutin. Pour autant, vers la fin de l’œuvre, un débat en particulier avec un candidat qui appelle à ne pas voter pour lui et se « dérobotise » un peu idéalement des affres de la communication, ouvre la porte à quelque espoir. A moins qu’il s’agisse là encore d’une stratégie !! Quoi qu’il en soit, nous sommes en 1986 et ce vent de l’avènement de l’honnêteté, nous l’attendons encore et toujours… Richard Gere, en hyperactif ordonnateur du cirque médiatique est ici à la juste place. Il est partout et tout le temps à la fois, et livre une prestation honorable mais qui semble parfois manquer de puissance dans l’usage de la satire. Gene Hackman, déjà briscard et un Denzel Washington débutant, auraient mérité que leurs personnages soient d’avantage déployés, car le peu qu’ils ont à se mettre sous la dent est jubilatoire pour le premier et tellement déjà plein de promesses pour le second. Les coulisses du pouvoir, s’il n’est clairement pas le long-métrage le plus éblouissant de Lumet, dans notamment ce mix de finesse scénaristique et de démonstration au scalpel propre au cinéaste, et qu’il ne se démarque pas non plus par une originalité dans son propos, demeure cependant une œuvre paroxystique de cynisme, qui n’a pas pris une ride et c’est bien le problème…

Titre Original: POWER
Réalisé par: Sidney Lumet
Casting : Richard Gere, Julie Christie, Gene Hackman…
Genre: Drame, Thriller
Sortie le: 26 Novembre 1986
Distribué par: –
TRÈS BIEN
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 80








































































































































