Critiques Cinéma

THE EDGE OF SEVENTEEN (Critique)

SYNOPSIS : Complexée, solitaire et sarcastique, Nadine, 17 ans, tente de survivre à l’expérience lycéenne. Son monde s’écroule quand elle apprend que sa meilleure et seule amie, Krista, sort avec son grand frère, un garçon parfait qu’elle abhorre. Un texto embarrassant, envoyé sous l’effet de la colère, s’ajoute à la longue liste de déconvenues qui lui pèse sur les épaules. Nadine décide de reprendre sa vie en main. C’est alors qu’elle se rapproche d’Erwin, un camarade de classe… 

Si dans l’imaginaire collectif le Teen Movie est synonyme de médiocrité naïve et un brin abrutissante, c’est très probablement à cause de son concept précis. En se focalisant sur la période trouble et hautement hormonale de l’adolescence, avec ce qu’elle évoque de tournants, de questionnements et d’impulsivité, le genre a alors tendance à se cadenasser avant même de toucher du doigt son propos, cristallisant en son sein des archétypes particulièrement paresseux sur son passage. Et cette tendance à l’efficacité et au mélodrame pompeux (dont Netflix commence à devenir le spécialiste) se fait souvent aux dépens des personnages féminins, habituellement sacrifiés à l’autel des protagonistes masculins et leurs pulsions maladroites, ou vidés de toute substance par une écriture inconséquente qui, au contraire, ne prend jamais aucun risque. Pourtant, le Teen Movie est un sous-genre complexe, riche et hautement permissif, à l’image même de l’adolescence, qui rend ses réussites d’autant plus notables. Du côté des leads féminins, la dernière décennie se montra particulièrement intéressante dans son traitement habile et élégant du genre, avec des petites perles qu’on ne se lasse pas de revoir comme l’intelligent Lady Bird de Greta Gerwig, le génialement détraqué Booksmart d’Olivia Wilde, le touchant et coloré Juno de Jason Reitman, le moins codifié Eighth Grade de Bo Burnham, ou l’excellent et hilarant The Edge of Seventeen de Kelly Fremon Craig, dont c’est également le premier long-métrage.


Ce dernier raconte la vie houleuse d’une jeune lycéenne de 17 ans. Nadine est introvertie, sarcastique et asociale, et ne peut compter que sur son unique amie Krista. Elle déteste son frère Darian, dont le physique avantageux et la popularité évidente la rendent folle, là où elle ne s’est vu confier aucun avantage en comparaison. Mais tout ce petit monde s’écroule lorsque Krista et Darian tombent amoureux, et que Nadine s’engage par jalousie, aigreur et immaturité dans une série de décisions impulsives qui la mèneront droit vers un nid à problèmes… The Edge of Seventeen est une proposition qui, de prime abord, évoque les archétypes familiers du coming of age movie, basant le déclenchement de son intrigue sur une « trahison d’amitié « , et sur une paire de romances naissantes dans le malaise et l’inconfort. Dans cette optique, Kelly Fremon Craig écrit le parcours de son héroïne comme un road movie psychologique, le personnage de Nadine voguant au grès des scènes à travers tous les trucs qu’elle déteste par-dessus tout. Hailee Steinfeld, révélée quelques années plus tôt dans le True Grit des Frères Coen, est extraordinaire dans le rôle, jouant avec un second degré et un tempérament hautement radioactif, permettant au film son premier pas vers toutes ses réussites. Nadine est une adolescente intelligente mais complexée, dont l’apparente sagesse cache un tas de stigmates et de drames personnels derrière les apparences. La dynamique de The Edge of Seventeen se construit alors sur ce contraste très précis : Nadine tend à voir le malheur et les injustices partout autour d’elle, interprétant l’intégralité de ses problèmes comme l’acharnement d’une entité supérieure qui voudrait la punir en continu. Par ce prisme, le film constitue avec une grande habileté les affres de l’adolescence et du complexe passage à l’âge adulte, focalisant son point de vue à échelle réduite sur celui d’une jeune fille qui passe son temps à se déprécier en se voyant paradoxalement comme le centre du monde. Cette nature épaisse et improbable donne au long-métrage une essence particulièrement réaliste, conférant à ses personnages des actions, paroles et réflexions dignes d’adolescents encore peu à l’aise avec le monde.


The Edge of Seventeen est un récit à plusieurs couches, parlant à la fois de la vie sentimentale de son héroïne et de sa précipitation à l’abord de ses premières fois, de l’amitié qui est mise à mal par un manque de recul et de maturité, et d’une famille un brin dysfonctionnelle qui s’est construit sur des failles et sur de profondes incompréhensions. Kelly Fremon Craig place en périphérie du parcours de son héroïne le personnage de Darian (excellent Blake Jenner), beau gosse populaire du lycée qui a le malheur d’être le frère de Nadine, objet de comparaison constant sur lequel elle a maladroitement et instinctivement projeté la cause de tous ses ennuis. Et là où il aurait été simple de faire de Darian un archétype de beau brun imbu de lui-même ne se rendant même pas compte des avantages que lui a conféré la vie, The Edge of Seventeen en fait un personnage secondaire riche en nuances et en émotions, qui donne à ses résolutions un quotient émotionnel particulièrement bien trouvé. Le film confronte alors Nadine au personnage de Krista, sa meilleure (et seule) amie d’enfance, dont l’expression inconcevable d’un amour entre elle et son frère mène les grandes lignes du démarrage de l’intrigue. Haley Lu Richardson fournit une performance très attachante, bien que son personnage manque un peu de développement en fin de parcours en étant plutôt passée au second plan. Le film s’attarde également sur le père (très touchant Eric Keenleyside), figure centrale qui était la seule à pouvoir combler le gap entre Nadine et le reste de sa famille avant de disparaître tragiquement. Mais c’est la mère qui semble ici être le personnage le plus intéressant en orbite autour de la protagoniste. Kyra Sedgwick campe une mère célibataire au fort tempérament, en conflit permanent avec Nadine à cause des divergences radicales de leurs points de vue respectifs, leur donnant deux personnalités opposées cause d’une relation houleuse basée sur les incompréhensions. Cette dualité, profondément réaliste et très juste dans son exécution, donne au film une substance rare dans le genre, construisant un antagonisme familial complexe et systémique qui se fait particulièrement déchirant dans les points de rupture clés du film. On trouve aussi l’habituelle figure du professeur confident, habité par le visage d’un impeccable et jouissif Woody Harrelson, qui réussit à être prodigieusement plus sarcastique que son héroïne, offrant une relation toute en nuances, source d’une jolie créativité de dialogues et de situations.


Par le prisme d’une amitié profonde qui tord le petit monde d’une adolescente solitaire et aigrie par le monde, The Edge of Seventeen est une proposition de coming of age extrêmement attachante où l’on prend un plaisir fou à suivre l’exubérante maladresse de sa protagoniste, sorte de machine à punchlines misanthropes qui cache son mal-être derrière sa prétendue sagesse. Hailee Steinfeld est une bombe qui excelle dans le comique et s’épanouit pleinement dans le dramatique, bâtissant le cœur battant à tout rompre d’un film follement romantique, sympathique et reconnaissable. Nadine est imparfaite, fait bon nombre d’erreurs sur son chemin, mais Nadine reste une adolescente aux émotions complexes et bouillonnantes, dont la virée aléatoire et sentimentale dépeinte par le film renvoie une douce sensation de nostalgie et de chaleur. En dépit des drames, des purs moments de malaise et des angoisses existentielles, Kelly Fremon Craig signe une peinture très habile et profondément bien racontée, offrant aux douleurs, aux peines et aux incompréhensions de l’adolescence une place de luxe qui dit toute la beauté de ses personnages à travers leurs plus gros défauts. Là où Nadine voit le pire en chaque personne, The Edge of Seventeen en sort le meilleur d’eux, et se fait médium d’un voyage initiatique qui décuple les émotions par mille pour offrir toujours plus de bienveillance et de vannes tordues pour pouvoir, peut-être, apercevoir une lueur d’espoir au bout du chemin. Un joli résumé de l’adolescence, donc.

Titre original: THE EDGE OF SEVENTEEN

Réalisé par: Kelly Fremon Craig

Casting: Hailee Steinfeld, Haley Lu Richardson, Blake Jenner …

Genre: Drame, Comédie

Sortie en VOD  le: 20 03 mars 2017

Distribué par :-

EXCELLENT

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