SOUS LE TAPIS (Critique)

Par William François le juillet 18, 2023 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : Odile se prépare à fêter son anniversaire. Alors que ses enfants et petits enfants sont en route pour la soirée, Jean, son mari, décède brutalement. Incapable de faire face à cette réalité, elle le cache sous son lit…

Pour sa première aventure derrière la caméra, la comédienne Camille Japy s’épanche dans les contours de la comédie dramatique avec Sous le Tapis, un récit familial fracturé par l’épreuve du deuil. Le film suit le personnage d’Odile, une grand-mère vivant seule avec son mari. Un jour, elle retrouve ce dernier sans vie dans sa chambre, et, prise de panique et d’un sévère excès de déni, décide d’accueillir sa famille dans la maison comme il était initialement prévu en cachant le corps sous son lit. Camille Japy, qui signe également son scénario, emmène donc le récit au centre de cette cellule familiale aux apparences classiques. D’un côté, sa fille aînée Sylvie sort avec Mathieu, un coureur cycliste ambitieux et prétentieux. De l’autre, son fils Lucas a des vibes hippies et ramène sa copine extravagante Clara à cette réunion. En mettant l’accent sur les différences systémiques qui séparent les protagonistes de cette famille vivante bien qu’un brin dysfonctionnelle, la metteuse en scène monte un semblant de film choral, centrant son histoire sur les personnalités épaisses de cette curieuse galerie de personnages. Mais Sous le Tapis commence à se prendre les pieds dans le dit-tapis en manquant d’équilibre dans l’approche de son sujet et dans la gestion de ses ruptures de tons. En se voulant comédie dramatique dans ce que le genre implique de complexité et d’amplitude sans trouver le bon axe pour traiter ses propos, le film donne l’étonnante impression d’être en décalage avec l’histoire qu’il cherche à raconter, dosant curieusement son émotion et ses traits d’humour.

Et pourtant, les idées originales et pertinentes sont présentes, à la même enseigne que l’ambition réparatrice de son analyse multi-facettes du deuil au sein d’une même famille. En s’accrochant indépendamment à chaque personnage pour tenter de comprendre les mécanismes de son chagrin (la mère tombe dans un immense déni, la fille dévastée cherche l’équilibre, le fils accuse le coup de manière plus symbolique), Camille Japy dresse un portait en douceur d’une épreuve émotionnelle redoutable, malheureusement retardé par l’éphémérité de son concept initial. L’idée de la planque du corps par Odile et du mensonge à sa famille dans la première moitié du film ne fonctionne malheureusement pas, tant elle est appelée à être désamorcée vite sans véritablement construire de ressort narratif.

Et c’est d’autant plus dommage que Sous le Tapis trouve une certaine sérénité dans son approche dans la dernière partie, lorsque les véritables propositions fondatrices du film apparaissent et qu’on tend enfin à saisir l’intention rassembleuse et doucement mélancolique de son récit.

Pourtant, le casting s’en sort plutôt élégamment, à commencer par la fragile interprétation centrale d’Ariane Ascaride, celle sensible de Bérénice Béjo, ou le très attachant Thomas Scimeca qu’on prend plaisir à retrouver. La troupe de comédiens et comédiennes rassemblée par Camille Japy trouve un joli équilibre de registres là où le film peine à tirer quelque chose de son histoire étonnamment maladroite, préférant engager des semi-concepts déséquilibrés à l’intérieur de son déroulé. Au final, Sous le Tapis a des airs d’exécution théâtrale claudicante, jonglant entre trop d’intentions et une surcharge émotionnelle latente qui tire souvent les ambitions mélancoliques vers de légers excès larmoyants. Le drame semble manger la comédie – et inversement – à l’intérieur d’une comédie dramatique malhabilement construite mais très correctement exécutée, qui saura probablement séduire celles et ceux qui se retrouveraient dans ce petit bazar narratif de la vie et de ses tribulations tragiques.