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SYNOPSIS : À Téhéran, un homme et une femme découvrent par hasard qu’un autre couple leur ressemble trait pour trait. Passé le trouble et l’incompréhension va naître une histoire d’amour… et de manipulation.
Doppelgänger, terme allemand désignant un sosie, ou « double de personne vivante » qui prend vie dans les œuvres ou fictions, comme dans Annhilation ou Solaris. Ce terme correspond parfaitement au nouveau film de Mani Haghighi (remarqué avec le très bon Pig). Pour cette nouvelle réalisation, direction Téhéran où l’on découvre Farzaneh (interprétée par Taraneh Alidoosti) monitrice d’auto-école qui apprend à conduire à une étudiante lorsqu’elle aperçoit son mari Jalal (Navid Mohammadzadeh), monter dans un bus. Elle décide le suivre et découvre qu’il rentre chez une femme. Lorsqu’elle le confronte à ce qu’elle à vu, ce dernier nie tout en bloc et affirme avoir travaillé tout l’après-midi. Plus tard ils vont découvrir une vérité troublante, l’homme qu’elle a suivi, Mohsen, et sa femme, Bita, sont leurs sosies. Mais cette ressemblance s’arrête seulement au physique, Farzaneh et Jalal forment un couple modeste, Farzaneh est enceinte de trois mois et sujette à des hallucinations due à l’arrêt de son traitement pendant sa grossesse. Aux prises avec la situation, elle sombre dans une dépression. Bita et Mohsen quant à eux sont parents d’un petit garçon, et sont globalement mieux lotis. Ils risquent néanmoins d’être contraint de quitter Téhéran, Mohsen ayant frappé un collègue. Aliénée par son mari sévère, Bita trouve du réconfort en nouant une amitié avec Jalal. Ils se lancent dans ce qui sera évidemment un jeu dangereux aux conséquences graves…

L’intrigue est d’une efficacité effrayante en raison de la force du jeu de Taraneh Alidoosti (Leila et ses frères) et Navid Mohammadzadeh (Téhéran). Avec un travail de maquillage aux petits oignons, les deux acteurs se transforment en deux couples très différents. Le visage de Farzaneh diffère quelque peu de celui de Bita, nous livrant une représentation déchirante d’une âme brisée, alourdie par son esprit et le monde impitoyable dans lequel elle vit. Du côté de Mohammadzadeh il dépeint Jalal comme un homme digne de confiance, plein d’espoir et surtout sympathique mais qui frise la naïveté. Contrairement à son sosie Mohsen, qui possède un comportement froid et agressif. Il est incarné comme une figure menaçante, sa posture et sa froideur impliquant une supériorité sur tous ceux qui l’entourent.

On ne sait pas quelle technique à utiliser Haghighi, ni à quel niveau les effets spéciaux ont été utilisé, tant la subtilité est de mise. Quand les sosies ont des contacts physiques ou qu’ils interagissent entre eux, les scènes sont d’une fluidité incroyable. Avec une histoire comme celle-ci, on en vient à se demander, que ferions-nous si nous étions confrontés à cette situation ? Un couple qui a l’occasion de voir dans un « miroir » une autre version plus épanouie de leur couple. Chacun accuse le coup à sa façon, mais mise à part une veine tentative de Farzaneh pour tenter de comprendre comment cela est possible, personne ne semble se soucier de la raison pour laquelle ils existent. Peu importe, cependant, car le drame des personnages qui se développe est beaucoup plus fascinant qu’il ne le serait si le film tentait une explication logique.

Le film est savamment conçu, le scénario équilibre habilement les quatre perspectives de nos personnages principaux. Le réalisateur ainsi que le directeur de la photographie Morteza Najafi arrivent à créer une tension, tant sur le cadrage que sur l’obscurité en jouant avec la lumière. Un des facteurs principaux du film qui rend cette atmosphère si particulière, c’est la pluie. Elle est présente dans la majeure partie du film, elle crée une atmosphère quelque peu angoissante. Cette utilisation de l’eau est un excellent stratagème cinématographique, beaucoup d’autres cinéastes l’ont utilisé pour ajouter une couche de suspense. On pense notamment à Janet Leigh conduisant sous la pluie dans Psychose, avant sa célèbre scène sous la douche, ou encore le film Seven qui passe le plus clair de on temps sous la pluie rendant cette ambiance si particulière. Toute cette tension est complétée par la qualité de la bande originale signée Ramin Kousha, qui utilise à merveille les percussions, leur accélération augmentant même notre rythme cardiaque. Le film arbore des messages forts, comme l’ignorance du bien-être de sa propre personne au profit de l’enfant à naître, l’aveuglement de la jalousie et la toxicité de l’orgueil. Il y a aussi un soupçon de commentaire social sur les rôles des hommes et des femmes dans la société iranienne. Présenté en première mondiale au Festival international du film de Toronto (2022), Les ombres persanes est un récit fantastique, imprévisible, un thriller psychologique envoûtant.

Titre original: TAFRIGH
Réalisé par: Mani Haghighi
Casting: Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Esmail Poor-Reza…
Genre: Drame
Sortie le: 19 juillet 2023
Distribué par : Diaphana Distribution
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 2020








































































































































