Critiques Cinéma

SOMEWHERE (Critique)

SYNOPSIS : Johnny Marco, auteur à la réputation sulfureuse vit à l’hôtel du Château Marmont à Los Angeles. Il va recevoir une visite inattendue : sa fille de 11 ans.

Somewhere, quatrième long-métrage de Sofia Coppola a remporté le Lion d’Or lors de la Mostra de Venise 2010. Si on connait l’amour de réalisatrice pour les personnages décalés, c’est la première fois qu’elle choisit un homme pour tenir le rôle principal. L’histoire que la cinéaste à écrite elle-même, si elle n’est pas autobiographique se fonde pour autant sur des souvenirs. Elle dit à propos de l’histoire de Cléo : « Ce n’est pas moi, mais j’y ai mis des souvenirs d’enfance. Dans tout ce que je fais – en tant qu’auteur et réalisatrice – il y a une touche personnelle. Ce qu’on crée est toujours influencé par un vécu « .On comprend tout de suite comment Johnny va être perdu au Château Marmont. Sauf que contrairement à Bill Murray et Scarlett Johansson, malgré l’idée commune d’un récit intimiste, ce n’est pas un hôtel au Japon, mais le lieu de l’entre-soi par excellence du tout Hollywood. On y croise même Benicio Del Toro dans son propre rôle dans un ascenseur. Et Johnny conduit vite, boit, clope sans arrêt, prend des médocs et semble avoir beaucoup à oublier, sans que nous en sachions davantage. Toujours ce sens de l’ellipse chère à la réalisatrice. C’est en tous les cas toujours la solitude, l’ennui, avec se péter la tête comme meilleur palliatif.

 

Quand Cléo patine sur la glace et que son père la regarde, on assistera à l’ensemble de sa chorégraphie. Forcément sans paroles mais juste dans le jeu de regard entre père et fille dans leurs respectives concentrations. Elle sur ses figures, et lui un peu sur son téléphone où au vu des messages reçus, on devine qu’il a laissé quelques squelettes dans le placard, du haut de son inconstance chronique. C’est aussi tout le cinéma de Sofia Coppola dans cette scène, on montre mais on n’en dit pas trop. Au spectateur de prendre ce qu’il veut et de laisser parler ou non ses émotions. Sofia Coppola ne dit pas autre chose à propos de cette scène : « Cool de Gwen Stefani est une jolie chanson et on imagine bien une fille de onze ans patiner dessus. Je suis très contente qu’on ait eu cette chanson parce qu’elle fonctionne parfaitement avec la séquence. L’émotion est sincère« . C’est bien l’ode à la suggestion, le royaume du contemplatif. Dans un monde parfois inutilement verbeux, ce parti-pris assez minimaliste apaise et élève. En tous cas, le spectateur n’est pas pris pour un abruti. Dans Somewhere, les adultes sont bien paumés, on devine par exemple que la mère de Cléo n’est pas au mieux non plus. Elle est aimée par ses parents mais on ne mesure jamais assez la solitude des enfants… C’est ainsi que la réalisatrice filme les brisures, les fêlures, dans la délicatesse de la suggestion semblant nous dire que même entouré, populaire, avec du monde, on est jamais autrement que seul. Pour cette démonstration, la cinéaste appuie sur le suggestif et le contemplatif parfois peut-être un peu trop. Car à force, on entre un peu moins en empathie avec les personnages que dans les opus précédents de Sofia Coppola. Mais bien sûr, on s’accroche à leurs écorchures et on s’identifie légèrement.

La mise en images et en sons est également moins fulgurante qu’à l’accoutumé et la bande son moins lancinante. Néanmoins, Somewhere demeure un long-métrage attachant et poignant. Simplement, quant on connaît la virtuosité de notre filmeuse adorée, il existe ici comme un cran en dessous de ce qu’elle peut habituellement démontrer. Pour le casting, au-delà des répétitions, l’idée était de créer un véritable lien entre Stephen Dorff qui joue Johnny et Elle Fanning qui interprète Cléo. L’acteur allait parfois chercher la jeune fille à la sortie de l’école afin que le lien en dehors de la caméra se ressente au tournage, avec clairement une complicité qui est évidente au final. 

Stephen Dorff, dans son jeu tout en questionnement existentiel répond pleinement à la commande de sa réalisatrice : « Je voulais que ce film soit l’évocation poétique d’un moment dans la vie de cet homme, et le titre reflète la conscience qu’il a de devoir aller « quelque part » sans savoir où exactement ». Il est autant touchant qu’exaspérant, parfois au bord du cliché, mais il émane de son interprétation une douceur sensuelle particulièrement marquante. Elle Fanning, repérée dans L’étrange histoire de Benjamin Button (2008), est très émouvante dans l’isolement psychoaffectif qui semble parfois être le sien. Elle s’adapte au monde des adultes, surtout quand celui-ci est particulièrement fluctuant avec le particularisme de l’âge du milieu, plus enfant, pas encore ado, mais tellement touchante et demandeuse d’affection. Au final, Somewhere a presque le malheur d’arriver après de véritables chefs d’œuvre de Sofia Coppola. Pour autant, c’est toujours un cinéma d’atmosphère qui vient nous chercher sur les émotions malgré son économie de mots. Un film pudique et délicat et on s’y sent bien.

Titre Original: SOMWHERE

Réalisé par: Sofia Coppola

Casting : Stephen Dorff, Elle Fanning, Chris Pontius

Genre: comédie dramatique

Sortie le: 05 Janvier 2011

Distribué par: Pathé

TRÈS  BIEN

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