Critiques Cinéma

MASTER GARDENER (Critique)

SYNOPSIS : Narvel est un horticulteur dévoué aux jardins de la très raffinée Mme Haverhill. Mais lorsque son employeuse l’oblige à prendre sa petite-nièce Maya comme apprentie, le chaos s’installe, révélant ainsi les sombres secrets du passé de Narvel… 

Master Gardener poursuit les thématiques déjà amorcées dans les derniers films de son auteur, poussant le thème complexe et nébuleux de la rédemption au centre de sa toile de fond après ses First Reformed et The Card Counter. Cette fois, Paul Schrader emmène Joel Edgerton dans le milieu de l’horticulture, nourrissant son propos par la méticulosité, la précision et la fragilité totale de son environnement. Le film suit Narvel Roth, horticulteur responsable du jardin imposant de la propriété de Norma Haverhill. Alors qu’on l’accompagne dans son quotidien, de l’étude des plantes à la gestion des membres de son équipe, sa patronne lui impose une nouvelle recrue : sa petite-nièce, récemment orpheline, pour qu’il lui enseigne les bases de son métier. Narvel prend Maya sous son aile, alors que les failles du passé ressurgissent… Rythmant son projet par les leçons florales octroyées par le protagoniste alors qu’il écrit page par page un recueil de conseils et règles d’horticulture qui reflètent par des miroirs métaphoriques les évènements se déroulant au sein même de sa vie, Schrader compose avec ce Master Gardener une œuvre curieusement équilibrée, balancée par une douceur et une délicatesse folles qui viennent se heurter dans un conflit d’apparences à une violence tapie dans l’ombre, dans le passé et sur la peau de son singulier héros. Narvel est à juste titre une question ambulante, qui vient constamment remettre en doute l’image que le spectateur se fait de lui. Imprimant ses personnages en trois dimensions pour étendre la thématique de la rédemption à l’extrême, Master Gardener fait état d’un monde qui bouge, qui s’étend et qui détruit tout sur son passage, jusqu’à laisser d’immenses stigmates qui ne laisseront que derrière eux la nature à la fois pure et insidieuse des fleurs – qui, quoi qu’on leur fasse, ne peuvent pas disparaître pour toujours.


Avec ce projet à l’esthétique doucement mélancolique et au sous-texte brutal et tragique, accompagné par la musique hypnotisante de Dev Hynes et la photographie délicatement fleurie d’Alexander Dynan, Schrader retrouve les bases de son cinéma, bâtissant un film hautement singulier qui frappe par la justesse de ses personnages et des relations qui se tissent entre eux. Si Joel Edgerton est effectivement excellent dans une partition ample et complexe à souhait, c’est la jeune Quintessa Swindell qui assure la meilleure surprise du récit, en donnant corps à un rôle à la fois brisé et émouvant, sorte de bannière du désespoir trouvant refuge dans ce jardin de mauvaises graines qui cherchent juste des racines pour se fixer. On retrouve aussi la géniale Sigourney Weaver, qui étoffe le film avec une prestation attachante et passionnée jamais là où on l’attend.



Dans un bouquet de couleurs, de parfums bienveillants et d’étrange douceur lancinante, Master Gardener est un long-métrage étonnant à la profondeur vénéneuse, traitant de la violence d’une Amérique et de la question centrale de la rédemption au sein d’un milieu déjà gangrené. Paul Schrader signe un film à la précision singulière et aux ambitions minimalistes pour conter les pulsions de violence d’un jardinier en apparence inoffensif qui garde sur sa peau les marques des fantômes du passé.

 

Titre Original: MASTER GARDENER

Réalisé par: Paul Schrader

Casting : Joel Edgerton, Sigourney Weaver, Quintessa Swindell

Genre: Drame, Thriller

Sortie le: 05 Juillet 2023

Distribué par: The Jokers / Les Bookmakers

TRÈS  BIEN

Laisser un commentaire