Critiques Cinéma

LA GRANDE VADROUILLE (Critique)

En 1942, un avion anglais est abattu par les Allemands au-dessus de Paris. Les trois pilotes sautent en parachute et atterrissent dans différents endroits de la capitale. Ils sont aidés par deux civils français, un chef d’orchestre et un peintre en bâtiment qui acceptent de les mener en zone libre; ils deviennent ainsi, malgré eux, acteurs de la Résistance.

La grande Vadrouille, c’est d’abord un incroyable succès populaire. Avec ses 17 267 000 spectateurs, il aura été pendant des décennies le numéro 1 du box-office français. Il faudra attendre 22 ans et les 21 774 181 entrées de Titanic (1998), pour que le record soit battu. Le film de Gérard Oury est resté le plus gros succès public de l’Histoire du cinéma français pendant longtemps et ce jusqu’aux sorties de Bienvenue Chez les Ch’tis (2008) (20 489 303 entrées) et Intouchables (2011) (19 490 688 entrées). Mais proportionnellement à la population française des deux époques, La Grande Vadrouille demeure au premier rang !! Le duo star Bourvil / De Funès, Gérard Oury l’aura expérimenté dans Le corniaud (1965) où déjà, le choc des cultures va fonctionner à plein, avec bien sûr notamment la 2 CV complètement ouverte : « Ben maintenant, elle va marcher beaucoup moins bien !! Qu’est ce que je vais devenir moi ? Et ben, un piéton… ». Bourvil : Augustin Bouvet, peintre en bâtiment, l’archétype du français moyen pendant l’occupation, qui bien malgré lui dans la perfection de ses gaffes burlesques et d’une forme de médiocrité ordinaire, va nous éblouir de rire et d’un héroïsme un peu contraint, mais clairement authentique. Louis De Funès : Stanislas Lefort, en chef d’orchestre exigeant, insupportable, grimaçant et multipliant les mimiques dans ce style inimitable. La rencontre entre les deux immenses talents se fera évidemment tout en contraste, humainement et sociologiquement. Une parabole entre les acteurs et leurs rôles respectifs.

Ils partagent finalement la même silencieuse aversion pour l’occupant, mais doivent bien se plier à l’ordre établi. A travers leurs deux portraits, en seulement 15 minutes de film, c’est toute une époque qui est finement retracée. On est dans le plus pur style Oury, du grand spectacle populaire, mais avec subtilité et toujours sans vulgarité. Ne pas aimer le costume nazi est un fait, mais de là à lutter avec les alliés, il persiste comme un léger delta, c’est aussi ce qui va unir les deux compagnons d’infortune et qui se veut représentatif d’un certain état d’esprit du moment.


Tiens, voilà le premier « Non mais dis donc « de Bourvil, qui nous décoche forcément un large sourire. Alors, quand il enchaîne sur « Ha mon vélo « … C’est tout un pan d’histoire du cinéma français qui s’offre à nous en une simple phrase, et qui incarne et symbolise l’humilité et l’humanité du comique dont la générosité se lit sur le visage. La course poursuite avec les side-cars allemands où la seule arme d’Augustin et de Stanislas, ainsi que de la bonne sœur qui passait par là, sera le lancer de citrouilles… C’est la patte du cinéaste, qui fera immanquablement penser à L’As des as (1982), pour lequel il utilisera nombre de ressorts comiques identiques. Un ressort comique qui dans La grande vadrouille repose essentiellement sur la différence de classe sociale entre Augustin et Stanislas. L’agité De Funès, chef d’orchestre et le doux rêveur Bourvil, peintre en bâtiment. C’est la lutte des classes façon grand guignol. Avec l’histoire de France en toile de fond et l’accumulation de situations burlesques dans une période tragique où précisément, l’exacerbation de chaque instant autorise l’exagération permanente. Un scénario que l’on doit aux débuts d’une certaine Danielle Thompson, la fille de Gérard Oury. Le comique est partout autant dans les situations que dans les dialogues, avec en sus une mise en scène haletante et des moments d’actions assez inoubliables.

Quand les deux compères déguisés en soldats allemands se font escorter par de vrais casques à pointes, on croisera Paul Préboist pour une furtive mais inoubliable apparition : « Voilà qu’ils s’arrêtent entre eux, ça doit pas marcher bien fort !! « .
Les deux courageux :
Bourvil : « En tout cas, ils peuvent me tuer, je ne parlerai pas… « 
De Funès : « Moi aussi !!! … Ils peuvent vous tuer, je ne parlerai pas !! « 
Un échange qui dit tout du duo !!! Et l’art des dialogues du cinéma de Gérard Oury, où on se marre, mais jamais grassement !! Un film qui évidemment marque l’histoire par la force de ce casting si haut en couleurs et complémentaire. Louis de Funès aura répété pendant trois mois devant son miroir pour connaître les mouvements réels de La Damnation de Faust de Berlioz !! On est un peu chez Laurel et Hardy, par cette opposition physique, mais aussi bien sûr avec ces caractères si diamétralement opposés entre crises de nervosité permanente chez de Funès et la carte du tendre constante chez Bourvil. Mais surtout, l’un comme l’autre offre une authenticité puissante à leurs respectives interprétations. C’est Danièle Thompson qui résumera parfaitement ce qu’est La Grande Vadrouille au cinéma, et le plaisir inlassable de le revoir, on lui laisse avec plaisir le dernier mot : « La qualité du film fait aussi qu’il est entré dans le patrimoine du cinéma français, c’est donc un film qu’on ne se lasse pas de regarder plusieurs fois. »

Titre original: LA GRANDE VADROUILLE

Réalisé par: Gérard Oury

Casting: Louis De Funès, Bourvil, Claudio Brook…

Genre: Comédie

Sortie le: 8 décembre 1966

Reprise le : 13 juillet 2016

Distribué par : StudioCanal

EXCELLENT

1 réponse »

  1. On ne se lasse pas de le regarder, c’est bien vrai. Superbe critique. Rien qu’à penser à la scène des bains turcs, j’ai le sourire aux lèvres.
    Une réplique spontanée : Vous aimez bien tout ce qui est bon, c’est très mauvais! 😄

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