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SYNOPSIS : Une lycéenne rend visite à sa tante malade en compagnie de six amies. Isolées dans une grande demeure perdue au milieu de nulle part, les jeunes filles assistent à d’inquiétants événements surnaturels une fois la nuit tombée.
Il y a, dans l’Histoire du Cinéma, des projets tellement improbables que les récits de leurs productions sont devenus aussi cultes que les films en question. House est l’un de ceux-là. A l’origine, il y a les producteurs de la Tōhō. En 1977, les Etats-Unis viennent de toucher le jackpot avec le film d’un jeune réalisateur débutant qui est en train de tout rafler au box-office mondial. Motivé par le succès des Dents de la Mer de l’ami Spielberg, le studio japonais se met en tête de créer leur propre success story. Ils démarchent alors le réalisateur Nobuhiko Ōbayashi – alors connu pour ses courts expérimentaux et son travail publicitaire – qui s’entoure d’un improbable duo de scénaristes pour monter ce projet. D’un côté, il recrute le scénariste Chiho Katsura. Et de l’autre, Chigumi Ōbayashi, qui n’est autre que… sa fille. De 13 ans (!), à l’époque. House aura alors vite fait de devenir culte au Japon et dans de nombreux pays occidentaux (beaucoup de fans le considèrent comme un monument fondateur du film horrifique moderne). Malgré cette réputation, le film n’est jamais parvenu en France, jusqu’à maintenant. Distribué par Potemkine, House pose cette année ses insidieuses et chaotiques valises sur le sol français… Curieux objet esthétique, symbolique et filmique, House raconte l’histoire incongrue d’un groupe de jeunes lycéennes. Angel (ou Belle, selon la version de la version française) en veut à son père qui vient de lui présenter sa future belle-mère, et décide de contacter la sœur de sa défunte mère pour lui demander de l’héberger, elle et ses amies, le temps des vacances d’été. Mais sur place, l’ambiance est étrange, peuplée de mouvements surnaturels et prompts à sauter à n’importe quel instant au visage de ces jeunes femmes qui n’auront décidément pas le temps de profiter pleinement de leurs vacances…

Il est peu évident de traiter d’un projet aussi déconcertant et plastiquement étrange que ce House, tant il transpire la bizarrerie constante et le désir profond de secouer les conventions cinématographiques en les envoyant se faire voir. Ōbayashi monte un film profondément désespéré, refuges d’esprits tourmenteurs et de funèbres disparitions, à l’humour absolument omniprésent sous son empreinte artistique fascinante. Si sa sulfureuse réputation se résume parfois à la surfaite critique « c’est tellement nul que c’est génial », House est en réalité un objet beaucoup plus passionnant que ce que cette méprise tend à faire penser. En piochant dans le folklore asiatique, dans les nombreuses références (à la fois dans l’horreur et dans le récit adolescent) et en l’habillant d’un voile outrageusement excessif qui repousse les règles du médium (les effets spéciaux absurdes pleuvent à n’en plus finir), Ōbayashi réussit l’exploit des grandes œuvres expérimentales, en parvenant à monter dans son absurdité filmique un monde tout entier, régit par un tas de règles timbrées et un ton complètement en roue libre jusque dans les circonvolutions de son scénario. En disséquant le genre avec passion et une inventivité totale, le metteur en scène et son curieux duo de scénaristes proposent une réussite hallucinatoire, à la dimension sanguinolente profonde et à l’ambition jubilatoire. Découvrir House aujourd’hui, c’est un peu comme rencontrer le père d’Evil Dead et de tous les projets horrifiques qui profitent de leur étrangeté constante et de leur morbidité hilarante pour repousser les limites visuelles et créatives des apparences. Les squelettes dansent en arrière-plan, une tête découpée devient une pastèque, un piano mange une lycéenne et un chat devient la plus grande menace d’un plan tout entier de la réalité. Et si cette succession bizarroïde d’évènements jouissifs fonctionne autant, c’est qu’il croit dur comme fer à sa propre consistance et à son envie colossale de faire du cinéma avant tout.

Profitant d’un casting tordant peuplé d’étranges créatures à la fois fascinantes et attachantes (Yōko Minamida campe l’étrange tante, tandis que Kimiko Ikegami est la Belle centrale entourée de la douce Masayo « sweet » Miyako, la mélomane Eriko « Mélodie » Tanaka, la gourmande Mieko « Mac » Satô, la rêveuse Kumiko « Fanta » Ôba, l’intello Ai « Binocles » Matsubara et la frappante Miki « Kung-Fu » Jimbo, aka l’amie que tout le monde rêve d’avoir), House est un délire psyché vissé entre les mondes, sorte de création mystique aux frontières des réalités qui transpire de passion et d’imagination à la fois technique et narrative.

Dans ce joyeux bazar acidulé sursaturé en mythes, en fantômes, en surimpressions, en collages et en twists scéniques, Ōbayashi provoque le morbide dans un dessin expérimental complètement fou et hautement improbable. Comme une sorte de prolongement thématique et artistique du mouvement surréaliste qui semble se délaisser immédiatement de toute sorte de règles pour s’aventurer dans les confins abyssaux et absurdes de l’inédit sous la bannière du pop, du slasher et du romantisme dans son aspect le plus classique. House est un monument de curiosité, une série B, ou Z – ou plus ou moins toutes les lettres de l’alphabet – absolument délicieuse, profondément jubilatoire et joyeusement foutraque. Car le chaos n’est jamais aussi beau que lorsqu’un chat démoniaque tire les ficelles d’un jeu de massacre morbide. Et ce croisement follement kitsch entre Raimi, Craven et l’imagerie Disney est désormais accessible en France, à découvrir allégrement au cinéma.

Titre original: HAUSU
Réalisé par: Nobuhiko Ôbayashi
Casting: Kimiko Ikegami, Saho Sasazawa, Ai Matsubara …
Genre: Fantastique, Epouvante-Horreur, Comédie
Sortie le: 28 juin 2023
Distribué par : Potemkine Films
EXCELLENT
Catégories :Critiques Cinéma, Les années 70








































































































































