Critiques Cinéma

LE SAMOURAÏ (Critique)

SYNOPSIS : Jef Costello, dit le Samouraï est un tueur à gages. Alors qu’il sort du bureau où git le cadavre de Martey, sa dernière cible, il croise la pianiste du club, Valérie. En dépit d’un bon alibi, il est suspecté du meurtre par le commissaire chargé de l’enquête. Lorsqu’elle est interrogée par celui-ci, la pianiste feint ne pas le reconnaître. Relâché, Jeff cherche à comprendre la raison pour laquelle la jeune femme a agi de la sorte. 

Parmi les silhouettes les plus mémorables de l’Histoire du Cinéma, celle d’Alain Delon vêtu d’un imperméable gris, chapeau sur la tête, clope au bec et regard bleu perçant, est définitivement l’une des plus illustres. On aura vite fait de dégainer à la chaîne les dizaines d’œuvres qui se sont inspirés de ce Jef Costello (de Taxi Driver à Drive, en passant par Ghost Dog), car Le Samouraï est le genre de film qui définit à la fois son époque et la carrière de sa tête d’affiche. Dans son dixième long-métrage, Melville suit le fameux Jef Costello, un tueur à gages taiseux et solitaire, alors qu’on lui assigne un contrat sur la tête du patron d’un club de jazz parisien. Après avoir descendu sa cible, la pianiste du club – Valérie – le croise lorsqu’il quitte les lieux. Plus tard, Costello est interpellé par la police et interrogé comme suspect. Mais il a couvert ses arrières, et avec l’aide de son amante Jane, l’homme s’est muni d’un alibi qui met l’enquête de police en déroute. En parallèle, ses commanditaires se retournent contre lui, et Costello se retrouve au milieu d’une affaire où il n’y a qu’une seule issue…


Modèle de film-composite armé d’inspirations diverses pour former cette atmosphère si singulière qui a fait sa renommée, Le Samouraï est une œuvre néo-noir voguant entre les truands des films de gangsters, les enquêteurs de polar, les modèles d’honneur de l’imagerie japonaise et le caractère taiseux des héros sans noms du western. Jef Costello est un nouveau genre de protagoniste, vivant dans un monde aseptisé et profondément grisâtre, habité par les trahisons, les meurtres et les mensonges. Jean-Pierre Melville compose un film à la direction impeccable, épuré au maximum du bla-bla rébarbatif souvent disséminé par le film noir pour permettre une iconisation immédiate de son héros et de ses décors peu ragoutants. Avec la photographie furieusement sombre, à la fois métallique et glaciale, de Henri Decaë faisant office de plastique nébuleuse et pernicieuse, Le Samouraï est une proposition hantée par les zones d’ombres, lesquelles sont – avec un malin plaisir de la part de ses scénaristes Melville et Georges Pellegrin – habilement gardées sous silence, et ce jusqu’à l’arrivée du générique. Dans ce mythe néo-noir, les secrets sont insolvables, emportés dans la mort lorsqu’ils ne sont pas directement responsables des dites morts. En taisant les grandes lignes des motivations de ses personnages et leurs relations respectives au profit de son atmosphère, Le Samouraï va a l’encontre de l’explicatif, quitte à probablement tendre à se suffire à lui-même.


Et il est évident que Melville aurait eu un mal fou à s’épanouir sans la force sensible et mystique de son casting, à commencer par le légendaire Alain Delon qui repousse les limites du charisme avec élégance, malinerie et mystères. François Perrier est tout aussi fascinant, en flic aux méthodes discutables mais pourtant redoutables, comme un animal qui traque sa proie sans relâche tout au long du film. Le Samouraï trouve aussi des places symboliques à souhait pour Cathy Rosier, l’énigmatique et sensorielle pianiste du club de jazz, ainsi que pour Nathalie Delon qui joue les alibis pour Costello, sans que l’on ne sache réellement ce qui les relie aussi profondément.


Car Le Samouraï est affaire de détails, en apparence insignifiants, qui font sens lorsque les pièces du puzzle se remettent ensemble. S’il laisse à son spectateur le plaisir des résolutions et des théories – en préférant suivre le parcours de son anti-héros aux prises avec la police et avec les gangsters qui le poursuivent – Melville crée en chemin un nouveau mythe, lequel servira de base à plusieurs générations de cinéastes dans le futur. Le Samouraï est donc une œuvre profondément épurée, voire même simple de propos et d’ampleur narrative, qui existe dans les silences et dans la méticulosité de son exécution. Une œuvre placide et taciturne qui laisse derrière elle une vague d’images et de moments de pur cinéma, lesquels existent avant tout entre les lignes, entre les plans et entre les regards des différents protagonistes de cette curieuse valse morbide.

Titre original: LE SAMOURAÏ

Réalisé par: Jean-Pierre Melville

Casting: Alain Delon, François Périer, Nathalie Delon …

Genre: Policier, Drame, Thriller

Sortie le: 25 Octobre 1967

Reprise le : 28 Juin 2023

Distribué par : Les Films du Camelia

EXCELLENT

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