Critiques Cinéma

DANIEL (Critique)

SYNOPSIS : Au milieu des années 50, Rochelle et Paul, communistes américains, ont été accusés d’espionnage au profit de l’URSS. Quinze ans plus tard, leur fille Susan devient militante politique. Son frère Daniel cherche à oublier. Mais, suite à un événement tragique, il doit se replonger dans l’histoire familiale…

« Ce film reste, pour moi, l’un des meilleurs que j’ai jamais faits » nous dit Sidney Lumet, sachant qu’il a pour lui 44 films !! Voilà qui pourrait faire taire le plus prolixe des critiques !!! Daniel, est une adaptation de Le livre de Daniel, de E.L Doctorow, paru en 1971. Il s’agit pour le livre comme pour le film de ressusciter l’affaire Rosenberg qui notamment pendant la guerre froide déchaina les passions, notamment hexagonales. L’écrivain va collaborer avec le réalisateur sur le scénario et la production. Avec quelques nuances par rapport à l’œuvre originelle, il s’agira pour Lumet de scruter particulièrement cette histoire du prisme des enfants, et des lourdes conséquences à vie pour Susan et Daniel, davantage finalement que le fait politique en lui-même. Celui-ci est surtout la toile de fond d’une tragique histoire familiale. On retrouvera la même trame narrative, selon le cinéaste lui-même dans A bout de course, qu’il tournera 4 ans plus tard. Pour préparer son film, Lumet a rencontré quatre gardiens qui ont assisté à l’exécution des époux Rosenberg et il aura étudié de près le fonctionnement de la chaise électrique. Les scènes d’exécutions qui ne lésinent pas en effet sur le moindre détail sont l’apogée horrifique de cette charge contre la peine de mort. Rien ne sous sera épargné, non par voyeurisme ou lourdeur mais dans un évident souci de dénonciation salutaire. Les plans sur Daniel qui parle à sa conscience donc à la notre, des pires sévices possibles, comme autant de mode opératoire pour des crimes d’état, mettent en lumière la barbarie des hommes. C’est Lumet l’humaniste, et on ne s’en lassera jamais… Sur la durée du long-métrage, le cinéaste fustige le délit de la pensée d’une Amérique qui se veut parfois trop fière de son histoire. S’il insiste davantage sur la dramaturgie familiale, il égratigne sévèrement la violence institutionnelle.


Mais clairement, c’est ici le drame de l’intime à travers l’héritage du militantisme politique de leurs parents. C’est au début des heures chéries, où l’on est parfois un peu l’objet de ses parents, qui nous transmettent autant leurs névroses que leurs passions. Toute une partie du film sera ainsi consacré au foisonnement intellectuel et à l’art du militantisme qui va bercer l’enfance de Susan et Daniel.  C’est d’ailleurs toute la tragédie de cette histoire avec cette parabole de deux temporalités, tant on devine que l’insouciance du passé, la douceur du cocon familial, avec en singularité le culte d’une opinion minoritaire au pays de la bannière étoilée, qui va servir de base aux drames qui poursuivront les enfants dans leur vie d’adulte. C’est le cœur de la puissance filmique de Daniel.


Ces deux réalités vont venir servir toute la mise en scène dans de puissants jeux de couleurs, quelque peu jaunis au moment du drame, un peu bleutés dans la vie d’adulte de Susan et Daniel, pour enfin ne faire qu’un. A cet égard, la scène du parloir est glaçante dans la symétrie de l’occupation de l’espace par les deux enfants et chacun leur tout, les deux parents. La froideur du lien est celle de l’image. C’est d’un radicalisme formel, là où Lumet nous perd parfois dans des scènes très bavardes, toujours passionnantes, mais presque trop volubiles.


Timothy Hutton est un Daniel bouleversant tant il oscille entre introspection et colère. Sa palette est complète et à chaque fois, c’est un grand moment d’authenticité, il est comme habité et nous embarque dans des registres émotionnels bien tourmentés. Amanda Plummer semble porter toute la souffrance de Susan dans chacun de ses mouvements, dans tous ses mots, dans la force du mal qui la ronge. Elle est impressionnante de douleurs. Daniel se manifeste par la puissance de ses convictions et de son amour pour les siens. Des thèmes qui guident le cinéma de Lumet, et comme lui-même dit que c’est son meilleur film…

Titre original: DANIEL

Réalisé par: Sidney Lumet

Casting : Timothy Hutton, Ellen Barkin, Mandy Patinkin …

Genre:  Drame

Sortie le: 7 mars 1984

Distribué par : Splendor Films

TRÈS BIEN



 

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