MAGNIFICAT (Critique)

Par William François le juin 20, 2023 • ( Poster un commentaire )

SYNOPSIS : À la mort d’un prêtre, la chancelière du diocèse découvre abasourdie qu’il s’agissait d’une femme ! Contre l’avis de son évêque qui souhaite étouffer l’affaire, elle mène l’enquête pour comprendre comment et avec quelles complicités une telle imposture a été possible…

Premier long-métrage réalisé par Virginie Sauveur (notamment connue pour son travail à la télévision) et adapté avec le scénariste Nicolas Silhol du roman Les Femmes en Noir de Anne-Isabelle Lacassagne, Magnificat se dote du nom du Cantique de la Vierge Marie pour visiter les conflits anachroniques de la Religion Chrétienne au sein du monde moderne. Sauveur compose un film multiple, à la dimension spirituelle, qui embarque Karin Viard dans une lecture surprenante du rapport à la Foi et du questionnement de l’identité. On y suit le personnage de Charlotte, Chancelière de son diocèse, appelée en secret par un médecin lorsqu’un prêtre de la communauté est retrouvé décédé dans son lit. Au grand étonnement de Charlotte, l’examen médical posthume est formel : le Père Foucher est une femme – au sens biologique du terme. Alors que l’Évêque du diocèse décide d’étouffer l’affaire pour éviter les conséquences d’une fuite, Charlotte se lance dans sa propre enquête sur la piste de ce Prêtre et de ses secrets. Qui était-elle, et comment une Femme a-t-elle pu endosser la soutane sans que personne autour ne soit au courant ? Magnificat pose alors tout un tas de questions d’ordre philosophique, voire même spirituel, pour creuser de façon complexe à l’intérieur-même du fonctionnement intrinsèque des institutions chrétiennes. Celles-ci, datant d’un temps furieusement archaïque, se montrent totalement hermétiques aux changements et aux actualisations. En se refusant à l’évolution de la société, la Religion perd alors la notion de l’Humain, lequel est définitivement plus qu’un simple corps – ou pour être plus précis, plus qu’un organe.

Mais Magnificat n’est pas un manifeste en faveur de l’inclusion des femmes dans les diocèses, il est un objet dense et doté d’une structure multiple centrée sur ses personnages et ses âmes quasiment fantômes (le prêtre dont on retrace la vie est presque intégralement invisible à l’écran tout en étant constamment omniprésent dans les thèmes). Virginie Sauveur, par l’intermédiaire du personnage de Charlotte, pose les questions de l’identité sous toutes les formes possibles, traitant en sous-texte de la transidentité, du sexe, de la spiritualité et du mensonge. Sous couvert de cette curieuse histoire d’imposture qui porte en elle bien plus que ce qu’on peut y voir au premier abord, Magnificat fait état d’instances religieuses dépassées par leur monde, qui gagneraient – pour survivre – à accepter leurs erreurs et à sortir d’une sorte d’hypocrisie symptomatique.

Mais le film traite également d’une deuxième intrigue, en parallèle de la centrale, offrant à sa Charlotte une réflexion intime sur le mensonge et les non-dits. La relation, complexe et virulente, qu’elle entretient avec son fils Thomas (bouleversant Maxime Bergeron en semi-figure christique à la recherche de son père) fait office de fil rouge et de renversement au sein de sa propre vie – au même moment où le visage tout entier de la religion chrétienne est remis en question sous ses yeux. Karin Viard est elle aussi saisissante dans une interprétation construite sur des nuances, conférant à son personnage un parcours intellectuel et spirituel particulièrement lourd de sens.

A travers cette inhabituelle enquête emmenant ses personnages et ses spectateurs à travers les points de bascule de la Foi et des questions centrales de l’identité, Virginie Sauveur signe un film à la surprenante justesse, évitant avec grand talent les écueils et les maladresses du film à charge, pour embrasser pleinement son propos habile et moderne sous couvert d’une émotion fulgurante dans sa dernière partie qui appelle à envisager un changement pour de bon. Magnificat est une réussite saisissante et impactante, cherchant avant tout à poser ses questions et à explorer le rapport à la spiritualité tout en signant une analyse de la place du sexe (et du genre) au sein de l’Église.