
Photo: SYSPEO/SIPA
Tout avait pourtant si mal commencé…
3 jours avant la plus grosse célébration planétaire cinématographique, une de ces bonnes vieilles arnaques au logement, je me fais planter ma réservation, ce qui me fait immédiatement penser, toute proportion gardée à Pierre Niney qui s’était fait « schroter » de la même façon !!! Gros mouvement de panique pour trouver un lieu quelques heures avant la semaine la plus blindée de l’année au niveau immobilier de la cité cannoise. Activation des réseaux très rapidement, regard sur les apparts restants, pour lesquels le prix de la nuit est à peu près 5 fois plus élevé que ce que je projetais pour la semaine… C’est pas gagné…
Je sais que j’irai à Cannes, je m’imagine déjà à la belle étoile s’il le faut, après tout c’est l’apogée du romantisme. Mais c’était sans compter sur un ange gardien qui passerait par-là… Une cinéphile avertie qui suit notre site depuis quelques temps, aime nos papiers, se manifeste sur un réseau social, j’irai chez elle pour un prix modique, un tout petit chèque, car elle le fait pour le geste. Toute la semaine, souvent tard le soir après mes séances, nous parlerons cinéma, donc de la vie, de la sienne, de la mienne, avec cette impudeur facilitée de l’inconnue et des grandes rencontres. Merci infiniment, ma sauveuse du festival, pour les cafés, pour les pâtes à la ratatouille, pour les quelques apéros, pour toute cette bonne humeur, cette drôlerie, cet humanisme, pour cette tranche savoureuse de destin qui non seulement a sauvé mon festival, mais a ouvert la voie d’un indéfectible lien. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, spoiler, teasing, épilogue à la fin de cette chronique.
Cette année, j’ai forcément l’expérience de l’édition précédente. Je demeure en mood Cannes pour les prolos, l’idée obsessionnelle est toujours la même : avoir la tête dans les étoiles, même si le ventre est peu rempli. Je pars donc avec 14 sandwichs triangles (ceux à La Rosette étaient mon caviar quotidien), et le soir mon menu phare du festival sera piémontaise et chorizo. Ne demandez pas pourquoi, j’ai toujours aimé les mariages déraisonnables et incongrus. A nouveau cette année, c’est possible de vivre son Festival de Cannes non dans le strass et les paillettes mais plutôt dans le stress et les palettes.
Cérémonie d’ouverture, le palais est toujours en place, j’ai le temps de monter sur ma terrasse, l’accréditation presse ouvrant le droit à l’accès au toit du palais. Cet endroit, c’est mon lieu… Vu imprenable sur le port de Cannes, source intarissable d’inspiration pour les fortes utopies cinéphiles. Qu’il est bon d’écrire tout là-haut, au plus près des dieux du cinéma… Ce Mardi 16 Mai, j’y récupère mon cœur que j’avais égaré l’an passé pour celles et ceux qui suivent, j’enfile un coca et un café, et file vers la Du Barry de Maïwenn. Première petite déception, pour un film à la manifeste beauté formelle, mais qui sonne un peu creux. Pas la même régalade qu’avec l’énorme poilade Coupez l’an dernier de Michel Hazanavicius.
5 jours, 18 films vus, 16 chroniques écrites, je déambule hagard au hasard dans les rues de Cannes, après parfois d’inoubliables coups de semonces, comme juste après de The zone of interest, où on sort sonné, dissocié et pleine face : les yachts de luxe et les robes de haute couture. Le festival de Cannes c’est un contraste, ce sont les injustices et paradoxes du monde dans ses démesures et en accéléré. Mais c’est d’abord et avant tout des chocs artistiques, beaucoup de cinéma désargenté au cœur du vrai pognon de dingue…
Entêtée pluie cannoise très oblique, qui est semble-t-il une tradition attendue des autochtones avertis, car selon ma logeuse : vivement le festival, on a besoin d’eau. Cette année, la première semaine, la tradition a été respectée, que d’eau, que d’eau, que d’eau comme disait l’autre. Mais aussi que de cinéma !! L’intemporel Le mépris, l’oubliable Jeanne Du Barry, le poignant Ama Gloria, le vibrionnant Le procès Goldman, le plat Le retour, l’hyper déstabilisant Le règne animal, le nanard Black Flies, l’assez bonne surprise Indiana Jones et le cadran de la destinée, le renversant The zone of interest, le jubilatoire Vincent doit mourir, le mignon Strange Way Of life, le joli Banel et Adama, le bouillonnement d’empathie Le temps d’aimer, le génialissime et foisonnant Le livre des solutions, le psychologiquement haletant et palmé Anatomie d’une chute, le glaçant L’amour et les forêts.
Autant de vie en si peu de temps, ce condensé d’enchaînement d’émotions, demeure un inoubliable espace de générosité et d’humilité face à tant de créativité, de splendeurs du quotidien, qui nous ramènent à une condition originelle et à ce que Blaise Pascal nommait comme « Aimer, c’est vivre« . J’ai donc cette fois ci délibérément redéposé et bien caché mon cœur sur le toit du palais, pour mieux le retrouver l’an prochain.
Épilogue. Chez ma logeuse si attentionnée, si forte de vie, Lundi matin, 05h00, je m’apprête à partir, je m’avance à tâtons près de la cafetière, y a été déposé un post-il avec un message de bon retour si délicat, et mon chèque… déchiré en confettis… Ce sont les confettis de la classe internationale, de la somptuosité de l’âme humaine. Je m’en vais, avec le cœur sur le toit du palais, et surtout avec la douce et agréable pensée que sur cette semaine, est née une profonde amitié… Le plus beau des cadeaux…
A l’année prochaine !!!
Catégories :Compte rendu, Festival de Cannes 2023









































































































































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