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HOUSE OF CARDS (Critique Saison 6 Episodes 6×01 – 6×04) Un bien triste au-revoir…

SYNOPSIS: Aucun président n’est vraiment populaire… Malgré son accession au pouvoir, Claire n’a pas fini de se battre pour rester au sommet.

House of Cards aura toujours une place assez particulière au sein du panthéon Netflix. Sortie en 2013, la série adaptée de la minisérie anglaise des années 90 (elle-même basée sur le livre éponyme de Michael Dobbs), est la première série originale de la plate-forme de streaming. Le succès est immédiat et stupéfiant: la carrière moribonde de Kevin Spacey reprend du poil de la bête, la critique a le coup de foudre, Beau Willimon est porté aux nues, et depuis son premier épisode, la série a ramassé pas moins de deux cents nominations et une trentaine de récompenses aux Emmys, PGA Awards, Derby Awards, etc. House of Cards devient vite l’étendard de Netflix, la preuve vivante que leur stratégie digitale marche, qu’on peut lâcher tous les épisodes d’une série en même temps sans les interrompre avec de la pub, et que le public répond présent et ne décroche pas. C’était une vraie belle histoire hollywoodienne, une success story qui faisait rêver tout le monde et qui avait conforté la plate-forme de streaming dans sa vision pour le futur. Et puis, en 2017, le scandale éclate: sur les seize hommes qui accusent Kevin Spacey harcèlement sexuel, huit d’entre eux travaillaient sur House of Cards et Netflix prend la décision de se séparer de l’acteur. Mais que faire, alors, de la série-phare de la compagnie qui s’était construite en grande partie autour du personnage de Frank Underwood, interprété par Spacey? C’est simple: on recadre l’intrigue pour suivre Claire Underwood, incarnée par l’actrice Robin Wright, on fait de la saison six la dernière, et on commande moins d’épisodes: huit, seulement, au lieu de treize, pour conclure l’histoire des Underwood.

Claire Underwood aurait pu être le personnage central de la série depuis le début, cela n’aurait rien changé à la progression de l’histoire. La différence, par contre, dans cette dernière saison, c’est le manque de friction au sein de son mariage. La relation entre Monsieur et Madame Underwood était de loin le facteur le plus fascinant de la série, pris comme ils l’étaient tous les deux, par l’étau de leurs ambitions respectives et cet accord qu’ils avaient de se soutenir l’un l’autre, tout en sachant parfaitement qu’ils pouvaient aussi se détruire. Dès les premiers épisodes, il était clair que la seule personne capable de vaincre Francis était sa femme, et maintenant que la moitié du couple n’est plus là, on perd la tension sur laquelle reposait l’équilibre de la série. Robin Wright est absolument extraordinaire, naturellement, s’adressant à la caméra avec une force et une satisfaction remarquable, mais le reste de la distribution peine quelque peu à lui donner un adversaire à sa mesure. Le scénario prend le parti de multiplier les obstacles, forçant la protagoniste à repenser toutes ses stratégies, mais cette décision brouille les lignes de l’intrigue et nombre de personnages gâchent de précieuses minutes à se regarder en chiens de faïence. De nouveaux acteurs font leur entrée pour injecter un peu de fraîcheur dans la formule, parmi lesquels Diane Lane et Greg Kinnear, mais leur présence même dilue encore les objectifs de la série, qui s’éparpille sur chaque personnage au lieu de pencher sur la stratégie gagnante des Underwood: penser, séduire, manipuler, et détruire. Claire vit principalement dans la réaction à ce qui l’entoure cette année, et on perd le côté machiavélique si satisfaisant du personnage puisqu’elle doit se battre, sans cesse, ne serait-ce que pour avoir le droit d’exister. Pensez-vous, la première Présidente des États-Unis aurait pu faire face à tant de choses qui lui aurait permis de démontrer l’étendue de son intelligence et de son savoir-faire, mais les luttes de politique interne prennent toute la place et font de la série un drame de boudoir, auquel il manque le souffle des conséquences. Un bien triste au-revoir pour une série qui s’était imposée, pendant des années, comme l’une des meilleures au monde, Cela dit, on attend de pied ferme que Robin Wright choisisse son prochain projet puisque l’actrice mérite son propre véhicule, où elle ne jouera plus les faire-valoir, mais sera bien la figure de proue. Scénaristes, à vos claviers!

Crédits: Netflix

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