Critiques Cinéma

PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE (Critique)

SYNOPSIS: 1990. Arthur a vingt ans et il est étudiant à Rennes. Sa vie bascule le jour où il rencontre Jacques, un écrivain qui habite à Paris avec son jeune fils. Le temps d’un été, Arthur et Jacques vont se plaire et s’aimer. Mais cet amour, Jacques sait qu’il faut le vivre vite. 

Depuis 2002 et 17 fois Cécile Cassard en passant par Dans Paris, Les Chansons d’amour, Non ma fille tu n’iras pas danser ou Les Biens-aimés, Christophe Honoré a autant fidélisé un public qu’il a fédéré de gens totalement hermétiques à son cinéma. Si son statut d’auteur est incontestable, son aura auprès du grand public est nettement moins perceptible et il a fallu attendre 2016 et son dernier film en date, Les Malheurs de Sophie, film populaire et familial pour qu’il connaisse son plus gros succès au box-office (plus de 500000 entrées). Le revoici de retour au Festival de Cannes en compétition avec un long métrage qui s’inscrit dans la veine personnelle de son cinéma après son incursion dans le monde de la Comtesse de Ségur qui avait pu surprendre ses admirateurs bien que Christophe Honoré – qui a été auteur de livres pour enfants – assure qu’il ne s’agissait pas d’un film de commande. Plaire, aimer et courir vite, une note d’intention posée d’emblée avec ce joli titre et un programme respecté à la lettre par le cinéaste qui réussit là son meilleur film depuis Les Chansons d’Amour. Parce qu’il part d’un postulat à priori simple (une histoire d’amour entre un écrivain parisien atteint du sida et un étudiant breton) Christophe Honoré touche à l’universel, au cœur et à l’âme des spectateurs qui s’identifieront à ces personnages qui doivent s’aimer dans l’urgence de la mort qui rôde.

Tout en séduction, Plaire, aimer et courir vite est un film qui transpire la sincérité et le charme et qui à votre corps défendant provoque en vous une jubilation due à la conjonction parfaite de plusieurs paramètres maitrisés avec dextérité. D’abord un récit qui oscille entre légèreté et gravité, sans jamais basculer dans l’un ou l’autre, trouvant son équilibre à la lisière des deux. Ensuite dans le jeu de séduction qui s’opère entre chaque personnage (entre Jacques et Arthur, entre Jacques et Mathieu, entre Arthur et Nadine…), dans l’amour qui transite comme un courant électrique qui vous traverse par la grâce d’un tempo alerte soutenu par une BO prodigieuse (sans le complice habituel Alex Beaupain mais avec une playlist exceptionnelle allant de Massive Attack à… Anne Sylvestre) une image élégante mais jamais tape à l’œil et des dialogues bien écrits et qui malgré leur caractère littéraire ne donnent pourtant jamais le sentiment d’être récités ou artificiels. Le naturel et la crédibilité qui pouvaient parfois faire défaut au cinéma de Christophe Honoré n’ont pas droit de citer ici. Et le pathos qu’un tel sujet aurait pu évidemment entrainer est évité grâce à des banderilles humoristiques qui ne sont pas gratuites et servent à la fois le sujet et les personnages. La mise en scène est fluide, absolument pas ostentatoire, à bonne distance des personnages et portée par un montage incisif et un découpage propre.

Et forcément, Plaire, aimer et courir vite est aussi et surtout un immense film d’acteurs et pour le coup Honoré a eu la main heureuse. On ne présagera pas de ce que le film aurait été si le personnage de Jacques -écrit pour Louis Garrel qui s’est désisté au dernier moment- n’avait pas rencontré de plein fouet l’extraordinaire Pierre Deladonchamps. Il trouve ici un rôle magnifique et il l’interprète avec une profondeur, un œil qui pétille et une vérité qui l’honorent. Lumineux puis bouleversant, il est littéralement saisissant. Vincent Lacoste semblait tout désigné pour lui renvoyer la balle tant il parait naturel et habité d’une facilité lui permettant de tout jouer avec virtuosité. Leur duo est littéralement le cœur battant du film et ils sont pourtant magnifiquement entourés (fantastique Denis Podalydès en vieil homo agacé, lumineuse Adèle Wismes (la série Les Grands) qui confirme en quelques scènes une nature prodigieuse…).

Traversé de références socio-culturelles propres à l’époque (le film se déroule dans les années 90 où le sida faisait des ravages) qui ne font jamais ployer le récit mais lui donnent au contraire du corps et de la charpente, Plaire, aimer et courir vite, s’il fait penser à 120 Battements par minute de Robin Campillo, n’est absolument pas une face B de cette partition majeure, mais une autre variation pour raconter l’indicible, quand l’amour frémissant qui grandit dans les cœurs doit céder la place à l’absence. C’est du grand art et Christophe Honoré nous prouve que le romantisme lui n’est pas encore mort.

Titre Original: PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE

Réalisé par: Christophe Honoré

Casting : Pierre Deladonchamps, Vincent Lacoste, Denis Podalydès …

Genre: Comédie dramatique

Date de sortie: 11 mai 2018

Distribué par: Ad Vitam

EXCELLENT

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